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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/308

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RÉFLEXIONS OU SENTENCES

CCCLXV

Il y a de bonnes qualités qui dégénèrent en défauts quand elles sont naturelles, et d’autres qui ne sont jamais parfaites quand elles sont acquises : il faut, par exemple, que la raison nous fasse ménagers de notre bien et de notre confiance ; et il faut, au contraire, que la nature nous donne la bonté et la valeur[1]. (éd. 4*.)


    ment de 1693, no 29.) — Montaigne, qui ne s’est pas fait faute de parler de lui, convient cependant (Essais, livre II, chapitre vi, tome II, p. 68) que « la coutume a faict le parler de soy vicieux. » — On connaît le mot célèbre de Pascal (Pensées, article VI, 20) : « Le moi est haïssable. » — On lit dans la Logique de Port-Roval (3e partie, chapitre xix, § 6, des Sophismes d’amour-propre, édition de 1674, p. 341) : « Feu M. Pascal,… poitoit cette règle (de ne point parler de soi) jusques à prétendre qu’un honnête homme devoit éviter de se nommer, et même se servir des mots de je et de moi. » — Mme de Sévigné dit de son côté (Lettre du 13 novembre 1687, tome VIII, p. 130) : « Je sais, et c’est Salomon qui le dit, que celui-là est haïssable qui parle toujours de lui. » — Enfin la Bruyère (de l’Homme, no 66) vient à l’appui : « Un homme modeste ne parle point de soi. » — Rapprochez des maximes 138, 139, 313 et 314.

  1. Var. : On voit des qualités qui deviennent défauts lorsqu’elles ne sont que naturelles, et d’autres qui demeurent toujours imparfaites lorsqu’on les a acquises : il faut, par exemple, que la raison nous fasse devenir ménagers de notre bien et de notre confiance ; et il faut, au contraire, que la nature nous ait donné la bonté et la valeur. (Manuscrit.) — On ne s’explique pas que Duplessis (p. 193), après dom Bonaventure d’Argonne (Vigneul-Marville, tome I, p. 323 et 324), juge cette pensée obscure ; sans doute, elle est aussi concise que profonde, mais il faut bien qu’elle soit claire, puisque le marquis de Fortia lui-même n’a pas fait difficulté de la comprendre, et en a ainsi rendu le sens : « Celui qui nait économe deviendra facilement avare ; celui qui n’est pas né bon ou courageux ne peut se flatter d’acquérir de la bonté ni de la valeur. » — Vauvenargues (Réflexions sur divers sujets, no 11, Œuvres, p. 66) : « Nos qualités acquises sont en même temps plus parfaites et plus défectueuses que nos qualités naturelles. » — Voyez la 3e des Réflexions diverses.