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NOTICE BIOGRAPHIQUE

pour l’ambition, ne vivait plus désormais que pour l’avarice ; puis la mère, Madame la Princesse, avait un attachement de reconnaissance à la Reine, qui lui avait rendu les biens confisqués sur son frère, le malheureux duc de Montmorency, décapité à Toulouse ; quant à la sœur du duc d’Enghien, Mme  de Longueville, toute aux charmes de sa beauté et de son esprit, charmes qu’un livre célèbre a vantés avec complaisance[1], elle ne connaissait encore d’autres manœuvres et d’autres intrigues que celles de la coquetterie[2].

Marcillac, en récompense du mouvement qu’il se donne, a-t-il enfin la satisfaction d’être en vue et au premier rang ? Non ; le devant du théâtre, dans cette nouvelle période, appartient encore à un autre : c’est le duc de Beaufort, personnage d’un mérite inférieur au sien, mais plus populaire par ses qualités et par ses défauts mêmes, qui attire les regards de la foule, et à qui, sur l’ordre de la Reine, il est obligé de s’unir[3]. Par une malechance qui n’étonne plus quand on a bien analysé son caractère, la Rochefoucauld, à aucun moment de sa vie politique, n’emplira la scène, comme Retz, ou comme Mme  de Longueville ; il fera très-belle figure dans les groupes d’élite, il n’occupera jamais le cadre à lui seul ; toujours à la suite de quelqu’un, il restera lui-même sans escorte.

Les choses étaient nouées de la sorte lorsque le Roi mourut, le 14 mai 1643, jour anniversaire de son avènement. Le Parlement se hâta de casser le testament qu’il avait laissé, et, du consentement de Monsieur et des Condés, il donna la Régence à la Reine. Le soir même, Mazarin, sortant tout à coup de l’ombre, était nommé chef du Conseil. Ce dut être un moment de vif déplaisir pour tous ceux qui s’étaient flattés de l’espoir d’une haute faveur. Personne cependant n’était encore découragé,

  1. La Jeunesse de Mme  de Longueville, par V. Cousin.
  2. Mémoires, p. 80 et 8l.
  3. « M. de Marcillac, ayant obligation au premier (au duc d’Enghien) et voyant son père dans son parti, étoit prêt à s’y mettre aussi ; mais en ayant parlé à la Reine, elle lui commanda de s’offrir à M. de Beaufort, et lui en parla comme de la personne du monde pour qui elle avoit autant d’estime que d’affection. Cet ordre qu’il reçut a été su de la plupart de ceux qui étoient alors à Saint-Germain. » (Mémoires de la Châtre, p. 189.)