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SUR LA ROCHEFOUCAULD

Dès ce mois de décembre même, nous le trouvons à Paris, et, aux fêtes de Noël, il assiste, à Beaumont, chez M. de Harlay, à ce dîner qui fit grand bruit, et dont les convives reçurent bientôt le nom d’Importants[1].

Jusqu’alors simple porteur de paroles ou de messages de femmes, il voyait son rôle grandir ; il avait trouvé l’emploi le plus propre à sa nature ; car, si les affaires générales, comme dit Retz[2], ne furent jamais son fort, il avait, en revanche, la plupart des qualités qui font ce qu’on appelait au dix-septième siècle une « personne de créance, » et par lesquelles on mène à bien une négociation particulière : des manières polies et engageantes, un grand fonds de réflexion, de la finesse, bien qu’un peu subtile, de l’insinuation, « cet esprit de pénétration et d’habileté, » dont parle Mme de Motteville[3]. Aussi réussit-il, avec l’aide de Coligny, il est vrai, dans cette première campagne diplomatique, où tout fut résolu en paroles, sans conditions écrites. La Reine s’engageait par devant les deux négociateurs à réserver pour Monsieur le Prince « tous les emplois dont elle pourroit exclure Monsieur sans le porter à une rupture ouverte[4]. » Cette union avec les Coudés ne fut pas du reste trop malaisée à conclure ; car d’abord, avec de l’argent, on pouvait tout sur le père, qui, après avoir vécu jadis

  1. « Il (V. de Harlay) nous pria de lui rendre visite aux fêtes de Noël, à sa maison de Beaumont. Le président Barrillon, le prince de Marcillac, le marquis de Maulévrier, du Bourdet et Beloy, désirèrent être de la partie, faite sans autre dessein que celui de notre divertissement particulier… Cette entrevue, quoique fort innocente et de nulle considération, fît un éclat étrange : M. de la Rochefoucauld (le duc François V) fut le premier qui en donna avis à M, le cardinal Mazarin, et crut que son zèle seroit fort estimé en usant de ces termes : « qu’il ne répondoit plus du prince de « Marcillac, son fils. » (Mémoires de Montrésor, p. 352 et 353.) Quelques lignes plus bas, Montrésor s’exprime ainsi : « … Cette assemblée d’Importants (qui étoit le nom qu’il leur plaisoit nous donner). » — Voyez aussi l’Apologie, tome II, p. 447 et 448.
  2. Voyez, au tome I, p. 13, le portrait déjà cité de la Rochefoucauld, par Retz.
  3. Mémoires de Mme de Motteville, tome III, p. 130, à la date de 1650.
  4. Mémoires, p. 58.