s’étonner de ce qu’elle va voir : les temps sont bien changés ; désormais il s’agit, non plus de gouverner la Reine, mais de lui plaire, de suivre ses goûts, et de ne pas résister de front à Mazarin, qui est, après tout, l’homme le plus probe et le plus capable qui soit à la cour. Puis il ajoute qu’il sera toujours temps de le combattre, s’il vient à manquer à son devoir : ce qui signifie vraisemblablement, dans la bouche de ce mentor d’occasion, si le Cardinal ne compose pas, comme il convient, avec la tourbe des ambitieux.
À voir la docilité avec laquelle la duchesse écoute ces prudents avis, il semblerait que Marcillac va être dorénavant son guide et son tuteur ; mais il y fallait une force continue d’initiative qui n’était point dans la nature de ce dernier ; il fallait aussi, tout au moins, qu’il payât d’exemple : or, à quelque temps de là, ce beau donneur de conseils se trouve engagé lui-même, presque au dépourvu, à la remorque de la duchesse, dans la cabale des Importants. Cette fois encore, s’il l’en faut croire, il ne péchait ni par erreur ni par engouement : il jugeait mieux que personne tous ces gens « dont l’ambition et le dérèglement étoient si connus[1], » et dont l’exigeant orgueil ne pouvait, selon la maxime que plus tard son expérience lui dictera, convenir avec l’orgueil de leurs bienfaiteurs du prix des bienfaits[2]. Mais, dit-il, « pour mon malheur, j’étois de leurs amis[3]. » En même temps, sur les instances de la Reine, il consent à voir le Cardinal[4] ; mais il y met des conditions qui, pour être d’un galant homme, ne laissent pas d’être assez naïves chez un ambitieux[5]. Par cette conduite ondoyante et bigarrée, il trouve moyen de froisser la Reine et de se rendre suspect à ses ombrageux amis les Importants, sans rien gagner, d’autre part, auprès d’un ministre qui, séduisant à la fois l’esprit et le cœur, entrait chaque jour plus avant dans la faveur d’Anne d’Autriche. Marcillac estimait-il donc, comme tant d’autres à ce moment, que le crédit de Mazarin n’était qu’éphémère ? Loin de là : s’il ne se targue pas dans ses Mémoires d’une clairvoyance venue après coup,