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MAXIMES POSTHUMES

ni le repos d’esprit, on achète toujours trop cher tous les biens qu’ils peuvent faire.

DXLIII

Avant que de désirer fortement une chose, il faut examiner quel est le bonheur de celui qui la possède[1].

DXLIV

Un véritable ami est le plus grand de tous les biens[2] et celui de tous qu’on songe le moins à acquérir.

DXLV

Les amants ne voient les défauts de leurs maîtresses que lorsque leur enchantement est fini[3].

DXLVI

La prudence et l’amour ne sont pas faits l’un pour l’autre : à mesure que l’amour croît, la prudence diminue[4].

  1. Rapprochez de la maxime 439.
  2. Horace (livre I, satire v, vers 44) :
    Nil ego contulerim jucundo sanus amico.

    « Tant que j’aurai mon bon sens, je ne trouverai rien de comparable à un aimable ami. »

  3. Rapprochez de la maxime 330. — Voyez aussi la note de la maxime 385.
  4. Publias Syrus :
    Amare et sapere vix deo conceditur.

    « Aimer et demeurer sage, à peine est-ce donné à un dieu. » — Bussy Rabutin (Histoire amoureuse des Gaules, édition de Liège, sans date, p. 126) avait dit absolument de même, en parlant du duc de Nemours et de la duchesse de Châtillon : « À mesure que cette passion croissoit, leur prudence ne faisoit pas de même. » — Est-ce pour ne point paraître avoir emprunté à Bussy que la Rochefoucauld n’a pas publié cette pensée ? — Il paraît du reste qu’elle était dans l’air, car nous lisons encore dans le recueil de Meré (maxime 143) : « La sagesse et l’amour ne s’accordent jamais. »