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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/436

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RÉFLEXIONS DIVERSES

arriver ; on se voit exposé aux injures des saisons ; les maladies et les langueurs empêchent d’agir ; l’eau et les vivres manquent ou changent de goût ; on a recours inutilement aux secours étrangers ; on essaye de pêcher, et on prend quelques poissons, sans en tirer de soulagement ni de nourriture ; on est las de tout ce qu’on voit, on est toujours avec ses mêmes pensées, et on est toujours ennuyé ; on vit encore, et on a regret à vivre[1] ; on attend des désirs pour sortir d’un état pénible et languissant, mais on n’en forme que de foibles et d’inutiles.

VII. — des exemples*.

Quelque différence qu’il y ait entre les bons et les mauvais exemples, on trouvera que les uns et les autres ont presque également produit de méchants effets[2] ; je ne sais même si les crimes de Tibère et de Néron ne nous éloignent pas plus du vice, que les exemples estimables des plus grands hommes ne nous approchent de la vertu. Combien la valeur d’Alexandre a-t-elle fait de fanfarons ! Combien la gloire de César a-t-elle autorisé d’entreprises contre la patrie ! Combien Rome et Sparte ont-elles loué de vertus farouches ! Combien Diogène a-t-il fait de philosophes importuns, Cicéron de babillards, Pomponius Atticus de gens neutres et paresseux[3], Marius et Sylla de vindicatifs, Lucullus de voluptueux, Alcibiade et Antoine de débauchés, Caton d’opiniâtres ! Tous ces

  1. M. de Barthélémy donne : « de vivre. »
  2. Rapprochez de la maxime 280.
  3. Le copiste avait mis ennuyeux ; la correction est de la main même de la Rochefoucauld.