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RÉFLEXIONS DIVERSES

guenons qui plaisent par leurs manières, qui ont de l’esprit, et qui font toujours du mal ; il y a des paons qui n’ont que de la beauté, qui déplaisent par leur chant, et qui détruisent les lieux qu’ils habitent.

Il y a des oiseaux qui ne sont recommandables que par leur ramage et par leurs couleurs. Combien de perroquets, qui parlent sans cesse, et qui n’entendent jamais ce qu’ils disent ; combien de pies et de corneilles, qui ne s’apprivoisent que pour dérober[1] ; combien d’oiseaux de proie, qui ne vivent que de rapines ; combien d’espèces d’animaux paisibles et tranquilles, qui ne servent qu’à nourrir d’autres animaux !

Il a des chats, toujours au guet, malicieux et infidèles, et qui font patte de velours ; il y a des vipères, dont la langue est venimeuse, et dont le reste est utile[2] ; il y a des araignées, des mouches, des punaises et des puces, qui sont toujours incommodes et insupportables ; il y a des crapauds, qui font horreur, et qui n’ont que du venin ; il y a des hiboux, qui craignent la lumière.


    savent ni faire, ni laisser faire, parce que les chiens qui gardent les jardins ne mangent ni légumes ni fruits, et n’en laissent pas prendre. — Voyez le tome V des Lettres de Mme  de Sévigné, p. 316 et note 9.

  1. La célèbre histoire de la Pie voleuse s’est passée au dix-septième siècle.
  2. On sait que la thériaque est une sorte d’opiat dans lequel il entre de la chair de vipère. — La vipère était un remède autrefois fort à la mode. Mme  de Sévigné, dans sa lettre du 20 octobre 1679 (tome VI, p. 58), raconte à sa fille que l’amie de la Rochefoucauld (Mme  de la Fayette) prend des bouillons de vipères qui lui donnent des forces à vue d’œil. Ailleurs, Charles de Sévigné conseille très-sérieusement à sa sœur de couper des vipères par morceaux, d’en farcir le corps d’un poulet, et d’en faire ainsi manger au comte de Grignan. « C’est à ces vipères, dit-il, que je dois la pleine santé dont je jouis. » (Lettre du 8 juillet 1685, tome VII, p. 420 et 421.) Mme  de Sablé tenait école de droguerie, aussi bien que de friandise (voyez V. Cousin, passim) ; il y a dans ses papiers (Portefeuilles de Vallant) diverses recettes de médecine où les vipères tiennent une grande place.