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SUR LA ROCHEFOUCAULD

qu’il était « l’arbitre de tous ses mouvements ; » puis, d’autre part, nous le représente (p. 223) « tout plein d’un désir passionné de sacrifier ses intérêts et sa vie au service de la duchesse de Longueville. » La Rochefoucauld lui-même, si nous en croyons Retz[1], était loin de convenir que ce fût lui qui eût entraîné la princesse. Retz lui fait dire, dans un moment, il est vrai, où il nous le montre, après le combat du faubourg Saint-Antoine, « très-incommodé de sa blessure et très-fatigué de la guerre civile, » qu’il n’y est « entré que malgré lui, et que si il fût revenu de Poitou deux mois devant le siège de Paris, il eût assurément empêché Mme de Longueville d’entrer dans cette misérable affaire. » Mais le Cardinal mérite-t-il grande confiance quand il parle d’un homme qui le hait, dit-il[2], et qu’il paye de retour[3] ? Il affecte de ne le pas prendre au sérieux : lorsque, à l’endroit précité de ses Mémoires (p. 171 et 172), il rappelle le temps où la princesse trônait à l’Hôtel de Ville, il s’exprime, au sujet de son adorateur, d’une façon aussi légère que méprisante, se bornant à répéter un aparté, une ironique allusion à l’Astrée, qu’il s’était permis, à cette époque, contre ce dernier, dans la chambre même de Mme de Longueville. Retz avait eu lui-même, dit Guy Joli[4], « des sentiments fort vifs et fort tendres pour Mme de Longueville, » et « il regardoit le prince de Marcillac comme son rival. » Au reste, Guy Joli ne prête aussi à celui-ci que des motifs intéressés. Son vrai mobile, c’est l’espoir « qu’étant, comme il étoit, dans les bonnes grâces de la duchesse, il lui seroit aisé de tirer (de cette liaison) de grands avantages pour lui, quand il seroit question de traiter et de s’accommoder avec la cour[5]. »

Il y a presque unanimité, on le voit, sur les vues intéressées de Marcillac ; Lenet, un fidèle et constant ami, fait seul exception et parle de dévouement. Pour le degré d’habileté et d’in-

  1. Tome II, p. 292.
  2. Ibidem, p. 173.
  3. Dans un pamphlet de 1652, très-authentique et dont Retz, se reconnaît l’auteur, le Vrai et le Faux, sa haine va jusqu’à lui faire dire que la vie de la Rochefoucauld « est un tissu de lâches perfidies. » (Œuvres de Retz, tome V, p. 239 ; comparez, au même tome, p. 362, et 370, 371.)
  4. Mémoires de Guy Joli, p. 41 et 42.
  5. Ibidem, p. 41.