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RÉFLEXIONS DIVERSES

et le prince d’Orange même, rebuté par les difficultés de ce dessein, ne pensoit plus à le faire réussir. Le roi d’Angleterre, étroitement lié au roi de France, consentoit à ses conquêtes, lorsque les intérêts du grand trésorier d’Angleterre[1], et la crainte d’être attaqué par le Parlement, lui ont fait chercher sa sûreté particulière, en disposant le Roi, son maître, à s’unir avec le prince d’Orange[2], parle mariage de la princesse d’Yorck, et à faire déclarer l’Angleterre contre la France, pour la protection des Pays-Bas. Ce changement du roi d’Angleterre a été si prompt et si secret, que le duc d’Yorck l’ignoroit encore deux jours devant le mariage de sa fille, et personne ne se pouvoit persuader que le roi d’Angleterre, qui avoit hasardé dix ans[3] sa vie et sa couronne pour demeurer attaché à la France, pût renoncer, en un moment[4], à tout ce qu’il en espéroit, pour suivre le sentiment de son ministre. Le prince d’Orange, de son côté, qui avoit tant d’intérêt de se faire un chemin pour être un jour roi d’Angleterre, négligeoit ce mariage, qui le rendoit héritier présomptif du royaume[5] ; il bornoit ses desseins à affermir son autorité en Hollande, malgré les mauvais succès de ses

  1. Clifford (Thomas). D’abord contrôleur et trésorier de la maison du Roi, il fut nommé grand trésorier d’Angleterre ; c’était la récompense de son adresse, car il avait trouvé le moyen de procurer au prodigue Charles II un million cinq cent mille livres sterling, dit-on, sans le concours du Parlement. Il faisait partie du fameux ministère dit de la Cabal.
  2. « Lui eut fait chercher sa sécurité particulière… à s’unir au prince d’Orange. » (Édition de M. de Barthélemy.)
  3. À la page précédente, lignes 3 et 18, l’auteur avait dit six ans.
  4. « Pût eu un moment renoncer, » et, deux lignes plus loin : « Le prince d’Orange, qui de son côté avoit… » (Édition de M. de Barthélemy.)
  5. On sait que Guillaume d’Orange n’eut pas la patience d’attendre que la couronne d’Angleterre lui revînt de droit, et qu’il en déposséda son beau-père, Jacques II, en 1688.