Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/533

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JUGEMENTS DES CONTEMPORAINS. 397 tant de chefs-d’œuvre d’esprit et d’invention , comme une vive lu- mière dont les uns furent éclairés et la plupart éblouis. Mais, parce qu’il étoit persuadé qu’on n’est heureux que par le plaisir, ni mal- heureux que par la douleur, ce qui me semble, à le bien examiner, plus clair que le jour, on l’a regardé comme l’auteur delà plus infâme «t de la plus honteuse débauche, si bien que la pureté de ses mœurs ne le put exempter de cette horrible calomnie. — Je serois assez de son avis, me dit-il, et je crois qu’on pourroit faire une maxime, que la vertu mal entendue n’est guère moins incommode que le vice bien ménagé ’. — Ha! Monsieur, m’écriai-je, il s’en faut bien garder ; ces termes sont si scandaleux, qu’ils feroient condamner la chose du monde la plus honnête et la plus sainte. — Aussi n’usé-je de ces mots, me dit-il, que pour m’accommoder au langage de certaines gens qui donnent souvent le nom de vice à la vertu, et celui de vertu au vice ; et parce que tout le montle veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante. Je ne m’étonne pas que ce grand homme ait eu tant d’ennemis ; la véritable vertu se confie en elle- même ; elle se montre sans artifice et d’un air simple et naturel, comme celle de Socrate ; mais les faux honnêtes gens, aussi bien que les faux dévots, ne cherchent que l’apparence^, et je crois que, dans la morale, Sénèque étoit un hypocrite et qu’Eplcure étoit un saint. Je ne vois rien de si beau que la noblesse du cœur et la hau- teur de l’esprit; c’est de là que procède la parfaite honnêteté, que je mets au-dessus de tout, et qui me semble à préférer, pour l’heur de la vie, à la possession d’un royaume. Ainsi j’aime la vraie vertu comme je hais le vrai vice ; mais, selon mon sens, pour être effecti- vement vertueux, au moins pour l’être de bonne grâce, il faut savoir pratiquer les bienséances, juger sainement de tout, et donner l’avan- tage aux excellentes choses par-dessus celles qui ne sont que mé- diocres. La règle, à mon gré, la plus certaine pour ne pas douter si une chose est en perfection, c’est d’observer si elle sied bien à toute sorte d’égards ’, et rien ne me paroît de si mauvaise grâce que d’être un sot ou une sotte, et de se laisser empiéter aux préventions. valier de Meré suivait la voie d’Epicure, rouverte au dix-septième siècle par Gassendi, Bernicr, Hénault, la Mothe le Vayer, etc. — Voyez, plus loin, VOde de Miik; des Houlières.

. Après ménage, Duplessis ajoute à tort ti’est agréable, que ne donne pas 

l’édition originelle. — La Piocliefoucauld n’a pas exjjiimé la première propo- sition de la riiaxiine <lont le chevalier lui attribue l’intention; mais il a rendu la seconde, sous diverses formes, Aans s,qs, niaximes 90, i55, 25 1, 273, 354 ^- 468. . Rapprochez de la maxime 202. . Voyez la maxime O26, et la i^ des Réjlexions diverses.