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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/66

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NOTICE BIOGRAPHIQUE

pour la terre de Merlou, dont il avait fait cadeau à la duchesse, sur les instances de la Rochefoucauld.

Cependant les troupes du Roi, commandées par Turenne et par d’Hocquincourt, tenaient le pays, prenant l’une après l’autre toutes les places des Frondeurs ; le duc de Lorraine, qui s’était engagé à combattre Turenne, se retirait sans coup férir, et bientôt Condé n’eut plus d’autre ressource que de tenter un coup désespéré. Ce fut le fameux combat du faubourg Saint-Antoine, que V. Cousin appelle avec raison « une héroïque et vaine protestation du courage contre la fortune[1]. » Dans cette journée du 2 juillet 1652, la Rochefoucauld, attaquant, avec son fils Marcillac, avec Beaufort, Nemours, et quelques volontaires, la barricade de Picpus, reçut une mousquetade en plein visage. Bien que sa blessure « lui fît presque sortir les deux yeux hors de la tête[2], » il se rendit néanmoins à cheval, tout couvert de sang, jusqu’à l’hôtel de Liancourt (rue de Seine[3]), exhortant le peuple à secourir Monsieur le Prince. Après quoi, dans un état déplorable, il se fit transporter à Bagneux.

Gourville rapporte (p. 266) que, « au sujet de cet accident, il fit graver un portrait de Mme de Longueville avec ces deux vers au bas :

Faisant la guerre au Roi, j’ai perdu les deux yeux ;
Mais pour un tel objet je l’aurois faite aux Dieux[4]. »
  1. Madame de Longueville pendant la Fronde, édition de 1867, p. 155.
  2. Mémoires, p. 414. Conrart dit (p. 112) qu’il « eut les deux joues percées, mais le plus favorablement du monde. »
  3. Voyez ci-après, p. lxxi, note 3.
  4. Les vers que cite Gourville sont imités de deux vers du IIIe acte (scène v) de la tragédie d’Alcionée, de P. du Ryer, publiée en 1640 :

    Pour obtenir un bien si grand, si précieux.
    J’ai fait la guerre aux rois ; je l’eusse faite aux Dieux.

    Après sa rupture avec Mme de Longueville, la Rochefoucauld les parodia ainsi :

    Pour ce cœur inconstant, qu’enfin je connois mieux,
    J’ai fait la guerre au Roi : j’en ai perdu les yeux.

    Voyez les Mémoires de Mademoiselle, tome II, p. 97 (où M. Chéruel