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NOTICE BIOGRAPHIQUE

tout à fait son ancien maître pour le nouveau. Si actives que fussent ses fonctions auprès de Mazarin, il demeura toujours dévoué à la personne et aux intérêts du duc. « Il n’oublia pas, en aucun temps, qu’il devoit tout à M. de la Rochefoucauld, » dit Saint-Simon dans le portrait qu’il a tracé de lui[1], et lui il nous parle, comme d’une chose prodigieuse, on le conçoit sans peine, du mariage secret qui l’avait uni, à ce qu’il paraît, à l’une des trois sœurs de M. de la Rochefoucauld (François VII)[2]. « Il étoit, dit-il, continuellement chez elle à l’hôtel de la Rochefoucauld, mais, toujours et avec elle-même, en ancien domestique de la maison. M. de la Rochefoucauld et toute sa famille le savoient, et presque tout le monde ; mais à les voir, on ne s’en seroit jamais aperçu. Les trois sœurs filles, et celle-là, qui avoit beaucoup d’esprit, et passant pour telles[3] (pour filles), logeoient ensemble dans un coin séparé de l’hôtel de la Rochefoucauld, et Gourville à l’hôtel de Condé. »

Notre auteur, qui, au temps où nous voici arrivé, était âgé de quarante et un ans, s’était retiré dans ses terres, et, tantôt à Verteuil, tantôt à la Rochefoucauld, il y passa plusieurs années dans une solitude relative, dont ses déceptions et aussi sa gêne pécuniaire lui faisaient sentir la douceur non moins que la nécessité. Là, tout en écrivant une partie de ses Mémoires[4], il travaillait à refaire à la fois sa santé et son patrimoine. Grâce à Gourville, qui avait su amasser, de bonne heure, une très-grosse fortune, il réussit tant bien que mal dans la seconde partie de l’entreprise.

  1. Mémoires de Saint-Simon, tome III, p. 421-423, édition de 1873. — Voyez aussi, dans les Causeries du lundi, de Sainte-Beuve (tome V, p. 283-299, 2e édition), la notice sur Gourville.
  2. Voyez ci-dessus, p. xiii.
  3. Il y a bien telles dans le manuscrit ; avec ce pluriel, il faudrait, ce semble, toutes après passant.
  4. Nous renvoyons à la Notice spéciale qui est en tête du tome II, pour ce qui concerne ces Mémoires, dont Bayle a poussé si loin l’éloge qu’il va jusqu’à nous dire : « Je m’assure qu’il y a peu de partisans de l’antiquité assez prévenus pour soutenir que les Mémoires du duc de la Rochefoucauld ne sont pas meilleurs que ceux de César. » (Dictionnaire, article César, tome I, p. 831, note g, édition de Rotterdam, 1720.)