de solidité que d’éclat, plus de fond sensé que de vivacité d’esprit, une merveilleuse tendresse d’âme unie à « cette divine raison, » que Mme de Sévigné nomme[1] « sa qualité principale. » Elle savait le latin presque aussi bien que Ménage et le P. Rapin, qui le lui avaient appris : mais elle n’en faisait point parade, afin de ne pas attirer sur elle la jalousie des autres femmes. C’était, en outre, une femme d’affaires, ayant l’entente des procès[2] ; son esprit était grand, mais « elle avoit, nous dit Segrais[3], le jugement au-dessus de son esprit ; elle aimoit le vrai en toutes choses et sans dissimulation. C’est ce qui a fait dire à M. de la Rochefoucauld qu’elle étoit vraie[4], façon de parler dont il est auteur et qui est assez en usage, »
Née en 1633 ou 1634, elle devait, d’après ce que nous venons de dire, avoir trente-deux ou trente-trois ans quand la Rochefoucauld, âgé, lui, de cinquante-deux ou cinquante-trois s’abrita définitivement sous son aile. Il semble toutefois que l’ancien Frondeur ait eu, à ce moment même, un vague retour et comme une secousse passagère d’ambition. Nous savons en effet[5] qu’il brigua, vers 1665, la charge de gouver-
- ↑ Lettre du 3 juin 1693, tome X, p. 108.
- ↑ « Mme de la Fayette, qui s’entendoit en toutes choses sans ostentation, s’entendoit aussi en procès, et ce fut elle qui empêcha que M. de la Rochefoucauld ne perdît le plus beau de ses biens, lui ayant fourni les moyens de prouver qu’ils étoient substitués. » (Segraisiana, p. 102.) — Gourville, qui eut avec elle quelques aigres démêlés (voyez ci-après, p. lxxxi), notamment à propos de la capitainerie de Saint-Maur, et qui, par suite peut-être, la goûte beaucoup moins que ne fait Segrais, dit dans ses Mémoires (p. 459) qu’elle « présumoit extrêmement de son esprit, » puis ajoute malignement : « Elle passoit ordinairement deux heures de la matinée à entretenir commerce avec tous ceux qui pouvoient lui être bons à quelque chose, et à faire des reproches à ceux qui ne la voyoient pas aussi souvent qu’elle le desiroit, pour les tenir tous sous sa main, pourvoir à quel usage elle les pouvoit mettre chaque jour. »
- ↑ Segraisiana, p. 45.
- ↑ Voyez, dans le Lexique de Mme de Sévigné, à l’article Vrai, divers exemples de ce mot appliqué ainsi à des personnes.
- ↑ Voyez, au tome III, p. 185, la lettre 87, à Mme de Sablé. — M. Ch. Dreyss, dans son introduction aux Mémoires de Louis XIV