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NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

neur du Dauphin, laquelle fut donnée, en 1668, au duc de Montausier. Deux ans après, il se rend à l’armée, comme simple volontaire[1], et, malgré la goutte qui le tourmente, il est au camp devant Lille. Au retour, le Roi lui fait un gracieux accueil ; mais, quelles qu’eussent été peut-être ses secrètes espérances, cette reprise de bon vouloir ne profita, pour le moment, qu’à un de ses fils, le troisième, qui fut pourvu de l’abbaye de Fondfroide[2]. La Rochefoucauld se console, avec une philosophie quelque peu mélancolique, de ne pas mieux reconquérir la royale faveur : « Je suis venu ici (au camp), écrit-il au comte de Guitaut, et on me traite assez bien. » Il trouvait un doux dédommagement dans l’affection toujours croissante de Mme  de la Fayette, qui était pour lui ce que Mme  de Maintenon ne fut pas toujours pour Louis XIV vieillissant : elle l’éclairait en le calmant. Bien qu’elle fût « quelquefois lasse de la même chose[3], » elle ne se lassa jamais de cette douce occupation ; la Rochefoucauld conserva jusqu’au bout, chez elle, la bonne place auprès du foyer. Ce fut entre eux un échange touchant de protection affectueuse et de reconnaissance attendrie, une de ces amitiés mixtes que rien n’altère. Faits pour se plaire, se goûter, se comprendre, même à demi-mot, ils se laissèrent aller de tout cœur à ce charmant commerce, qui devint bientôt aussi nécessaire à l’un qu’à l’autre[4]. Tous deux avaient horreur du ridicule, de ce ridicule des vieilles gens, dont parlent certaines maximes[5]. Mme  de la Fayette, dont nous venons de dire l’âge au début de cette amitié, croyait-elle, comme son héroïne la princesse de Clèves, qu’une femme ne peut être aimée, passé vingt-cinq ans[6] ? La Rochefoucauld s’imaginait-il, de son côté, avoir mis d’avance


    (tome I, p. lxx-lxxiii), insiste sur le peu de vocation de l’auteur des Maximes pour de telles fonctions.

  1. Voyez, au tome III, p. 194-196, la lettre 94, à Guitaut, du 20 août 1667.
  2. Il prit le nom d’abbé de Marcillac ; auparavant il se nommait, nous dit son père, M. d’Anville : voyez la même lettre 94.
  3. Ibidem, lettre du 6 mars 1671, tome II, p. 97.
  4. Mme  de Sévigné, lettre du 17 mars 1680, tome VI, p. 312.
  5. Voyez les maximes 408, 418.
  6. Voyez la Princesse de Clèves (1678), tome I, p. 120.