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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/514

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nul prétexte de persécution ni de plainte, ou que sa tyrannie ne fût pas encore assez effrontée pour me faire un crime de ma seule circonspection, soit qu’il ne me tînt pas assez détruit dans l’esprit de la Reine, et que, se souvenant de l’ordre qu’il avait eu d’elle d’avoir en toute manière mon approbation, il ne pût s’imaginer qu’elle l’eût obligé à cette contrainte pour un homme qu’elle eût peu considéré, il feignit de me considérer extrêmement lui-même, et de me vouloir admettre à ses plus importantes délibérations, de sorte que, s’il avait de tout temps résolu ma perte, il eut au moins le déplaisir de n’oser pas sitôt le faire paraître, et de contribuer en quelque façon à ma gloire, en faisant juger de la grandeur de mes services par celle des récompenses qu’il leur proposait. Mais n’y ayant plus que moi à lui faire douter de ses forces auprès de la Reine, il ne tarda pas beaucoup à les reconnaître, et comme la prison et le bannissement lui eurent fait raison de tous ceux qui s’étaient ouvertement bandés contre lui, il commença à me trouver assez criminel de ne m’être pas absolument déclaré contre eux, et ne s’offensa pas moins de voir que je faisais encore l’arbitre, qu’il avait témoigné naguère de m’en savoir gré.

La Reine, qui m’avait fait vivre si sévèrement avec lui, elle qui m’avait dicté mot à mot ce qu’il y avait de plus dur et de plus austère dans nos conventions, elle-même, dis-je, en parlait à l’heure à mes proches, comme d’une conduite que j’avais dû juger qu’elle désapprouverait. Voulais-je toutefois en venir à l’éclaircissement,