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Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/515

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elle tournait en finesse ou en raillerie tout ce qu’on m’avait dit, et, après qu’elle m’avait forcé d’en rire avec elle, elle en tirait de nouveaux sujets de se plaindre et de prendre pour témoins et pour juges contre moi-même les mêmes personnes par qui elle me faisait donner ces avis. Il est aisé de croire qu’on n’en était pas venu là pour y demeurer, et qu’on ne travaillait pas tant à me rendre coupable pour me rendre heureux. Aussi ne s’amusa-t-on plus à borner à la charge de mestre de camp des Gardes toutes les prétentions qu’on m’avait données sur celle de grand écuyer, sur celle de général des galères, et sur le gouvernement du Havre-de-Grâce : on me réduisit tout d’un coup aux simples espérances des choses communes qui pourraient vaquer, encore à condition que je fusse agréable quand elles vaqueraient ; et, comme l’injustice n’est que trop féconde, celle-ci en eut bientôt produit si grand nombre d’autres, que je pensai n’en être pas quitte pour l’exclusion de tout ce qu’il m’avait été permis d’espérer, et qu’il s’en fallut peu qu’on ne me fit ôter jusques à la liberté par la même Reine pour qui je l’avais autrefois perdue. Il ne se passait jour où je n’eusse besoin d’une apologie : j’avais reparti pour quelqu’un qui n’était pas en grâce, ou m’étais trop peu échauffé pour l’accusateur ; j’avais ri de quelque conte qui n’était pas assez du cercle ni du cabinet ; j’avais fait raison de quelque faute odieuse ; j’avais passé dans quelque rue où il y avait des logis suspects. Enfin il m’arriva d’aller à Beaumont, où on voulait