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Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/199

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laisser sortir de leur cachot les esclaves, Théodore Canot en dira les effets : « À la première accalmie, je décidai de visiter le pont des esclaves. Cet antre, même après ventilation, était encore empuanti d’affreux relents humains. Nous délibérâmes au sujet de l’emploi du laudanum comme moyen de nous débarrasser rapidement des malades de la petite vérole, remède usité rarement et en secret dans des cas désespérés. Il était trop tard. Ces malheureux furent envoyés au gaillard d’avant transformé en hôpital et, là, confiés aux soins d’hommes vaccinés ou inoculés qui servaient d’infirmiers. L’entrepont fut alors aéré et passé à la chaux. On avait renoncé à tout secret. Cadavre après cadavre s’enfonçait dans l’abîme, et la tempête soufflait toujours. Lorsque les flots s’apaisèrent suffisamment pour permettre d’enlever les panneaux de mer, notre consternation fut sans bornes en découvrant que presque tous les esclaves étaient morts ou mourants. Douze des plus vigoureux d’entre les survivants reçurent l’ordre de traîner dehors les cadavres. Malgré le rhum qui leur était versé en abondance pour les abrutir, nous dûmes renforcer leur équipe de courageux volontaires fournis par l’équipage, qui, les mains protégées par des gants goudronnés, lançaient dans la mer ces amas de chair putride. Enfin, la mort s’avoua satisfaite, mais pas avant que les huit cents créatures embarquées pleines de santé ne fussent diminuées de quatre cent quatre-vingt-dix-sept squelettes ! Avant d’avoir atteint l’équateur, le San Pablo avait déjà droit à une patente de santé parfaitement nette. Les morts avaient laissé aux