Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/56

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devant lui s’il n’avait l’habit de cour, un surplis sans manches. On rampait sur le ventre pour aborder le souverain.

… Un souverain chatouilleux sur le point d’honneur qui se flattait d’être un guerrier et non un marchand de chair humaine :

« Vous, Anglais, disait-il au facteur Abson, vous êtes entourés par l’Océan ; vous semblez ainsi destinés à être en relations avec tout l’Univers par le moyen de vos vaisseaux, tandis que nous, Dahoméens, enveloppés de diverses nations qui parlent différentes langues, nous sommes forcés de nous défendre avec l’épée. Ceux qui prétendent que nous faisons la guerre pour fournir d’esclaves vos vaisseaux, se trompent grossièrement … Je jure au nom de mes ancêtres que jamais un Dahoméen ne s’est engagé dans les expéditions guerrières pour se procurer de quoi acheter des marchandises. Moi-même, j’ai tué des milliers d’hommes sans avoir jamais conçu l’idée de les exposer en vente. Lorsque la justice et la politique exigent qu’on fasse périr les hommes, il n’y a ni soie, ni corail, ni eau-de-vie qui puissent tenir lieu du sang à répandre pour l’exemple. D’ailleurs, si les blancs cessaient de fréquenter l’Afrique, la guerre cesserait-elle sur notre continent ? Ce qui me fâche, c’est que quelques-uns d’entre vous ont écrit malicieusement dans les livres qui ne meurent jamais, que nous vendons nos femmes et nos enfants pour nous procurer de l’eau-de-vie. Que des hommes à longues têtes tiennent conseil en Angleterre et fassent des lois à notre usage, cela me paraît extraordinaire. »