Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 109 —

L’homme au capuchon dit : « Thjof est mon nom ; j’ai passé la nuit chez Ulf et j’ai été élevé à Angr[1] ».

Le serviteur courut auprès du roi et lui rapporta la réponse de l’étranger. Le roi dit : « Tu as bien compris, serviteur ; je connais le district qui s’appelle Angr[2] ; il est bien possible que cet individu ne se sente point à l’aise ; ce doit être un homme sage et j’éprouve beaucoup de considération pour lui ».

La reine dit : « C’est une singulière manière chez toi que ce désir de causer aussi franchement avec tous les gaillards qui se présentent. Celui-ci mériterait-il plus d’estime » ?

« Tu ne le sais pas mieux que moi », répondit le roi. « Je vois qu’il pense plus qu’il ne parle et qu’il jette de longs regards autour de lui ».

Sur ces mots le roi envoya un de ses domestiques auprès de l’homme au capuchon. Celui-ci s’avança vers l’intérieur, se présenta tout courbé devant le roi et le salua d’une voix étouffée. Le roi demanda : « Quel est ton nom, homme de grande taille ? »

L’homme au capuchon répondit en disant ces vers :

30. « Je m’appelais Fridthjof,
Quand je naviguais en compagnie de vikings ;

  1. Úlfr = loup ; angr = chagrin, soucis. Úlfr se présente généralement comme nom de personnes (cf. Björn, « ours », Bär), et angr entre dans la composition d’une série de noms de lieux (Hardanger, Stavanger, Lifangr, Angermannaland etc.). « Chez Ulf » peut donc signifier « chez le loup » (cf. vargr), c’est-à-dire dans la forêt, ainsi que s’exprime sans équivoque le roi un peu plus loin. La réponse de Fridthjof est amphibologique et toute fantaisiste ; elle constitue un pur jeu de mots. Fridthjof fait allusion à sa situation de proscrit que le malheur poursuit et qui est obligé de chercher, comme le loup, un refuge dans la forêt. V. ch. X, n. 5 et 9.
  2. Cette réponse du roi fait supposer qu’il existait réellement une contrée du nom de Angr.