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Thorstein possédait un bateau appelé Ellidi[1]. Quinze hommes ramaient à chacun des deux côtés. Les extrémités étaient relevées en forme de bec ; il était robuste comme un bâtiment de mer[2] et avait les flancs garnis de fer. Fridthjof était tellement fort que, assis à l’avant, il dirigeait Ellidi au moyen de deux rames. Or, chaque rame était longue de treize aunes et il fallait, aux autres places, deux hommes pour manier chacune d’elles. Fridthjof apparaissait supérieur à tous les jeunes gens de son temps. Aussi les fils du roi étaient-ils jaloux de lui, à cause des louanges qu’on lui décernait.

  1. Les peuples scandinaves avaient de bonne heure poussé à un haut degré l’art de construire des vaisseaux. Ceux qu’ils destinaient aux expéditions guerrières portaient souvent à la proue des sculptures représentant la tête d’un homme ou d’un animal (taureau, bison, dauphin, vautour, grue, dragon etc.). Toute une catégorie s’appelait dragons (drekar). Les Normands les considéraient volontiers comme des êtres animés et intelligents, capables même de comprendre la parole humaine (cf. ch. VI, fin), et les comparaient, dans leur langage imagé, au cheval, au cerf, au renne, à l’élan, au taureau, à l’ours, au loup, etc. Plusieurs parties étaient dorées ; d’autres, garnies de plaques richement ciselées ou peintes. — Le mot Ellidi, dont l’étymologie est incertaine, désigne à l’origine un genre particulier de navires de guerre de structure solide. Le terme est employé ici comme nom propre et se retrouve comme tel dans d’autres sagas, p. ex. dans celles d’Olaf Tryggmson et de Thorstein Vikingsson. La littérature du Nord possède, pour désigner le bateau, toute une série de métaphores (kenningar) dont les nuances rendent souvent l’expression intraduisible en français. V. Weinhold, op. c., pp. 125-142.
  2. En isl. hafskip, « bateau de mer ». (Rafn traduit le mot par Skib med Daek, « bateau ponté »). Ellidi était un bateau réservé à la navigation côtière. Il fallait par conséquent beaucoup d’audace de la part de Fridthjof pour s’aventurer en pleine mer dans une embarcation de ce genre.