Page:La Saga de Fridthjof le Fort, trad. Wagner, 1904.djvu/93

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« Aujourd’hui l’on verra si c’est bien vrai ce que l’on

    plupart des pays d’Europe. À peine est-il en mesure de manier les armes que le jeune Scandinave, poussé par une envie irrésistible de voir d’autres pays et de conquérir gloire et richesses dans de lointaines et périlleuses aventures, se met au service d’un chef renommé ou entreprend pour son propre compte des expéditions guerrières. Quiconque ne se sent pas le goût des voyages et des combats devient facilement un objet de mépris et se trouve parfois exclu, pour le reste de sa vie, de la société des vaillants hommes du Nord. Bien que les vikings aient souvent dégénéré en véritables pirates sans scrupules et sans merci, il faut cependant établir une double distinction destinée non pas à justifier, mais à expliquer la sauvagerie de leurs procédés et à atténuer, dans une certaine mesure, l’implacable sévérité du jugement que l’on est tenté de porter sur leur compte. Le paganisme scandinave ne réprouvait aucunement les horreurs commises en pays étrangers. Le meurtre, le pillage et le vol étaient des actes licites que toléraient les mœurs du Nord dans certaines circonstances spéciales ; bien plus, c’étaient des exploits très honorables que l’on admirait ouvertement et que les scaldes exaltaient dans leurs chants. Le jeune guerrier s’initiait au maniement des armes, retrempait sa force et son courage dans les privations, les luttes et les dangers, apprenait à mépriser la mort, rentrait dans sa patrie avec une ample moisson de gloire et de richesses et y retrouvait souvent une fiancée qui, partageant l’héroïque idéal du jeune homme, avait posé ces rudes conditions comme préliminaires de leur mariage. Un ancien proverbe islandais dit : « heimskr er heimalit barn » (sot est l’enfant élevé à la maison). D’autre part, les vikings poursuivaient fréquemment un but plus noble, tel Fridthjof (ch. XI) qui ne veut faire la guerre qu’aux malfaiteurs et aux autres vikings et épargne généreusement les fermiers et les marchands. Dans certains cas ils consacraient le produit de leurs rapines à des œuvres de bienfaisance et même au rachat de captifs. Souvent, dans l’intervalle des batailles, ils se faisaient marchands et fondaient, sur les côtes qu’ils visitaient, des établissements commerciaux qui ont donné naissance à des villes. Telle est notamment l’origine de Dublin (vers 850). Les Normands, on le sait, se sont répandus dans la plupart des pays d’Europe, s’y