Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/40

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en est dans le nombre qui ont été composées et intercalées par l’écrivain qui a donné à l’œuvre sa rédaction définitive. Tel est notamment le chant du cygne de Gunnlaug (ch. 12). Il en est de même de la strophe précédente que la Kormakssaga attribue au poète Kormak Ögmundarson (ca. 937-967). Quant aux deux strophes finales dans lesquelles les pères des deux héros communiquent leurs rêves relatifs au sort qui est réservé à Gunnlaug et à Hrafn, il est hors de doute qu’elles appartiennent à une époque postérieure. Ces chants, derniers vestiges de la poésie des scaldes, reposent à la fois sur l’allitération, l’assonance, le nombre de syllabes et la quantité prosodique ; quelquefois ils présentent, en outre, la rime. Ils comprennent généralement huit vers. C’est la forme poétique du dróttkvaedi[1]. Déchiffrer le sens de cet entassement de bizarreries et d’hyperboles est une opération dans laquelle les plus sagaces des interprétateurs ont maintes fois échoué. Ce qui caractérise avant tout cette poésie, ce sont les nombreuses expressions métaphoriques (kenningar) ; elles permettaient aux scaldes de déployer toute la richesse de leur imagination, toute la subtilité de leur esprit, ainsi que leur merveilleux don d’observation et de combinaison. Mais par l’abus qu’ils ont fait de ce style énigmatique, ils ont fini par attirer sur leurs productions le dédain des profanes qui, ne parvenant plus à en pénétrer l’idée, les ont déclarées absurdes. Cependant quand, à force de patientes et minutieuses recherches, on réussit à scruter le mécanisme compliqué de ce langage hétéroclite et à découvrir le sens

  1. de drótt = suite d’un prince, et kveda = dire, réciter, chanter. Le dróttkvaedi ou dróttkvaett fréquemment employé au 9e, 10e et 11e siècle, désigne à l’origine un chant que les gens de la cour composaient en l’honneur ou à l’adresse de leur seigneur.