Page:La Saga de Gunnlaug Langue de Serpent, trad. Wagner, 1899.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les yeux noirs ; mais le nez n’était pas précisément bien formé. Cependant ses traits éveillaient la sympathie. Il avait la taille élancée et de robustes épaules. C’était un homme de belle apparence, d’une ardeur excessive dans toute rencontre ; il était prétentieux de sa nature et d’une ambition précoce, obstiné et inflexible en tout, excellent poète et habile à manier l’épigramme. C’est pour cette raison qu’on l’appelait Gunnlaug Langue de Serpent. On affectionnait davantage Hermund qui possédait les manières d’un grand seigneur.

Lorsque Gunnlaug eut atteint l’âge de quinze ans, il demanda à son père de lui faire les apprêts d’un voyage, disant qu’il voulait quitter le pays et connaître les mœurs d’autres peuples. Illugi n’était guère disposé à y consentir ; il observa qu’il ne ferait pas bonne impression en pays étranger, puisqu’à la maison, lui semblait-il, il ne parvenait à le discipliner qu’avec peine.

Peu de temps après il arriva, un beau matin, que le bondi Illugi, en sortant, s’aperçut que sa halle aux provisions était ouverte ; il vit six sacs de marchandises placés dehors et des couvertures mises sur les chevaux. Il en éprouva une violente colère. Mais Gunnlaug s’approcha de lui et dit : « C’est moi qui ai fait enlever les sacs. » Illugi demanda pourquoi il avait fait cela. Il répondit que c’étaient les provisions pour son voyage. « Tu n’auras de moi aucune espèce de secours et tu n’iras nulle part sans mon consentement, » s’écria Illugi, et il fit rentrer les sacs.

Là-dessus Gunnlaug partit et arriva vers le soir à Borg. Thorstein l’invita à y rester et il accepta. Gunnlaug raconta, à Thorstein ce qui s’était passé entre lui et son père. Thorstein l’engagea alors à demeurer auprès de lui aussi longtemps qu’il voudrait. C’est ainsi qu’il y passa l’année entière, initié par