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Page:La Saga de Nial, trad. Dareste, 1896.djvu/11

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introduction de petersen

et les qualités brillantes s’allient en elle à la plus terrible passion de vengeance. Pour se venger elle commet le plus bas, le plus méprisable de tous les actes humains, elle vole. Pour se venger elle refuse à son mari la suprême ressource, une boucle de ses cheveux pour faire une corde d’arc, et elle le livre ainsi froidement à la mort. C’est à mon sens, le comble de l’art, ou plutôt la nature même prise sur le fait, que cet admirable instinct de fidélité chez un animal mis en face de la révoltante froideur d’une femme avide de vengeance. Njal aussi est noble, mais d’une autre façon. Il a de braves fils, mais lui-même ne se sert jamais d’aucune arme. La droiture s’allie chez lui à un calme admirable, qui le suit jusqu’à la mort quand il se couche avec sa femme et son enfant sur le lit où ils vont mourir ; et ce calme prend à son tour une teinte de prudence pleine de finesse, qui ne fait jamais le mal, mais regarde en face les évènements sans s’émouvoir et choisit en toute circonstance le moyen le plus sûr pour atteindre son but. Ce n’est pas sans raison que le récit tout entier est lié à sa vie, et tourne en quelque sorte autour de lui. Il est le héros du récit, sans en être le personnage actif. Il est là, comme un rocher dans la mer, de tous côtés environné de récifs où les flots viennent se briser autour de lui sans troubler son calme, et c’est par là que toute cette histoire, qui autrement se résoudrait en morceaux détachés, trouve son centre et son lien. La vie de Gunnar, la mort de Njal, la vengeance de Kari sont autant d’évènements qui, pris séparément, peuvent faire l’objet d’un récit, et ici, tout mêlés qu’ils sont à bien d’autres évène-