Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/19

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— VII —

vait aucunement les horreurs commises en pays étrangers ou les sévices exercés contre les ennemis de l’intérieur. Le meurtre, le pillage, le vol étaient des actes licites que toléraient les mœurs du Nord dans certaines circonstances spéciales ; bien plus, c’étaient des exploits très honorables que l’on prônait ouvertement et que les scaldes exaltaient dans leurs chants. La religion d’Odin, par la perspective des félicités du Walhalla, avait du reste excité chez les peuples du Nord cet esprit belliqueux qui leur faisait accomplir des prodiges de valeur. Le jeune guerrier s’initiait au maniement des armes, trempait sa force et son courage dans les luttes, les dangers et les privations, apprenait à mépriser la mort. Après des mois ou des années d’absence, il rentrait dans sa patrie comblé de gloire et chargé de butin, et y retrouvait souvent une fiancée qui, partageant l’héroïque idéal du jeune homme, avait posé ces dures conditions avant de consentir au mariage.

D’autre part, les vikings poursuivaient fréquemment un but plus noble. Dans certains cas, ils consacraient le produit de leurs rapines à des œuvres de bienfaisance et même au rachat de captifs. Souvent, dans l’intervalle des batailles, ils s’adonnaient au trafic et fondaient, sur les côtes qu’ils visitaient ou à l’intérieur des terres, des établissements commerciaux qui donnèrent naissance à des villes. Telle est notamment l’origine de Dublin (vers 850). Les Normands, on le sait, se répandaient dans la plupart des pays d’Europe et jusqu’en Orient, s’y établissant quelquefois à demeure fixe et fondant des États (Novgorod, Kiev, Normandie, Deux-Siciles). Ils visitaient les îles de la Méditerranée, la Grèce et la Palestine. Les sagas attestent que, du Xe au XIIe siècle, ils se mettaient fréquemment au service des empereurs de Byzance, sous le nom grec de « Varègues[1] ». Dès le xe siècle, des colons islandais avaient visité le Groenland

  1. Normanni possident Apuliam, devicere Siciliam, propugnant Constantinopolim, ingerunt metum Babyloni ; Anglica terra tota se eorum pedibus laeta prosternit. (GUILL. PICTAV., Historia Wilhelmi ducis.)