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VI.Cruelle fut pour moi la lacune
Que les flots ont violemment créée
Dans la lignée touffue
Des descendants de mon père.
Je sais qu’elle restera
Vide et vacante,
La place occupée par mon fils,
Avant que la mer me le ravît.

VII.Ran m’a causé[1]
De terribles ravages.
Me voilà bien pauvre
En amis chéris.
La mer a rompu
Les attaches de ma famille,
Les solides liens,
Elle les a déchirés.

VIII.Sache que, si avec mon glaive
Je pouvais prendre ma revanche,
C’en serait fait
Du fabricant de bière[2].
Si je pouvais résister
Contre le dangereux frère de la tempête[3].
Je me lèverais pour offrir le combat
À la fiancée d’Egir[4].

IX.Cependant je ne croyais pas
Posséder la force
D’affronter la lutte
Contre le meurtrier de mon fils.
Le peuple tout entier
S’aperçoit clairement
Que le vieillard
Est privé de soutiens.

  1. Ran, épouse d’Egir, est la femme sans cœur et sans pitié, emblème de la mer perfide qui réclame sa part dans les sacrifices de la vie humaine et des trésors. Du mariage d’Egir avec Ran sont issues neuf filles, personnifications poétiques des vagues dans leurs différents aspects et propriétés.
  2. Il s’agit d’Egir à qui incombe la mission de brasser la bière pour les dieux.
  3. La mer.
  4. Le géant Egir est la personnification de la mer agitée, turbulente, furieuse. Il porte un casque formé d’épaisses ténèbres et de brisants qui se dressent jusqu’au ciel. La fiancée d’Egir, c’est Ran (v. strophe VII).