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Chap. XIII, 2.
Chap. XIII, 30.
ÉVANGILE SELON S. JEAN.


2Pendant le souper, lorsque déjà le diable avait mis dans le cœur de Judas, fils de Simon Iscariote, le dessein de le livrer,[1] 3Jésus, qui savait que son Père avait remis toutes choses entre ses mains, et qu’il était sorti de Dieu et s’en allait à Dieu, 4se leva de table, posa son manteau, et, ayant pris un linge, il s’en ceignit. 5Puis il versa de l’eau dans le bassin et se mit à laver les pieds de ses disciples, et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. 6Il vint donc à Simon-Pierre ; et Pierre lui dit : “Quoi, vous Seigneur, vous me lavez les pieds !” 7Jésus lui répondit : “Ce que je fais, tu ne le sais pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt.”[2] 8Pierre lui dit : “Non, jamais vous ne me laverez les pieds.” Jésus lui répondit : “Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi.” 9Simon-Pierre lui dit : “Seigneur, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête !” 10Jésus lui dit : “Celui qui a pris un bain n’a besoin que de laver ses pieds ; il est pur tout entier. Et vous aussi, vous êtes purs, mais non pas tous.” 11Car il savait quel était celui qui allait le livrer ; c’est pourquoi il dit : “Vous n’êtes pas tous purs.”

12Après qu’il leur eut lavé les pieds, et repris son manteau, il se remit à table et leur dit : “Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? 13Vous m’appelez le Maître et le Seigneur : et vous dites bien, car je le suis. 14Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.[3] 15Car je vous ai donné l’exemple, afin que, comme je vous ai fait, vous fassiez aussi vous-mêmes. 16En vérité, en vérité, je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé. 17Si vous savez ces choses vous êtes heureux, pourvu que vous les pratiquiez. 18Je ne dis pas cela de vous tous ; je connais ceux que j’ai élus ; mais il faut que l’Écriture s’accomplisse : Celui qui mange le pain avec moi, a levé le talon contre moi.[4] 19Je vous le dis dès maintenant, avant que la chose arrive, afin que, lorsqu’elle sera arrivée, vous reconnaissiez qui je suis. 20En vérité, en vérité, je vous le dis, quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé.”

21Ayant ainsi parlé, Jésus fut troublé en son esprit ; et il affirma expressément : “En vérité, en vérité, je vous le dis, un de vous me livrera.”[5] 22Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait. 23Or, l’un d’eux était couché sur le sein de Jésus ; c’était celui que Jésus aimait. 24Simon-Pierre lui fit donc signe pour lui dire : “Qui est celui dont il parle ?” 25Le disciple, s’étant penché sur le sein de Jésus, lui dit : “Seigneur, qui est-ce ?” 26Jésus répondit : “C’est celui à qui je présenterai le morceau trempé.” Et ayant trempé du pain, il le donna à Judas Iscariote, fils de Simon. 27Aussitôt que Judas l’eut pris, Satan entra en lui ; et Jésus lui dit : “Ce que tu fais, fais-le vite.” 28Aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui disait cela. 29Quelques-uns pensaient que, Judas ayant la bourse, Jésus voulait lui dire : “Achète ce qu’il faut pour la fête,” ou : “Donne quelque chose aux pauvres.”

30Judas ayant pris le morceau de pain, se hâta de sortir. Il était nuit.

    dredi, jour du jugement et de la condamnation, était un jour ouvrier, et non pas le premier jour de la Pâque, ou 15 Nisan. En cela ils s’accordent avec S. Jean. La difficulté des Synoptiques est qu’ils paraissent, Matth xxvi, 17-20 ; Marc, xiv, 12 ; Luc, xxii, 7, fixer au jeudi le 14 Nisan et par conséquent identifier le 15 ou jour de la Pâque avec le vendredi. Il en est ainsi, en effet, si l’on place au jeudi matin la question des Apôtres. Mais si on la suppose faite seulement le jeudi soir, vers les 6 heures elle coïncidera non plus avec le 13 Nisan, mais avec le commencement ou premier soir du 14 Nisan. Du jeudi vers 6 heures du soir, au vendredi à 6 heures, c’est bien le 14 Nisan, le premier jour des Azymes, le jour où on immole la Pâque. La chronologie de la Cène et de la Passion sera alors identique en S. Jean et dans les Synoptiques. Il ne restera plus qu’à déterminer si alors Jésus a célébré le vrai repas pascal, en anticipant parce que le temps pressait, ou bien s’il a simplement fait un dernier repas dans lequel il aurait institué la nouvelle Pâque sans renouveler l’ancienne.
    Jusqu’à la fin. Il leur donne alors un dernier témoignage de son amour en leur lavant les pieds.

  1. 2. Pendant le souper (gr. γινομένου), tandis que se faisait la cène pascale (Matth. xxvi, 20 sv. ; Marc, xiv, 17 sv. ; Luc, xxii, 14 sv.). La Vulgate a sans doute lu γεκομένου, après le souper. Mais cette leçon est moins autorisée ; en outre, il est peu naturel de placer le lavement des pieds après le repas, lequel d’ailleurs n’était certainement pas achevé (vers. 12-26).
  2. 7. Ce que je fais, la raison ou la signification morale de ce que je veux faire.
  3. 14. Vous laver les pieds, vous rendre les services les plus humbles.
  4. 18. Citation du Ps. xli (héb.), 10, où David figure le Messie, et Achitophel, le traître Judas.
  5. 21. Fut troublé, ressentit une vive émotion, à cause du crime de Judas.