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Dictionnaire du Nouveau Testament


Jésus fut attaché à une croix de la troisième espèce, ayant quatre parties, pour figurer que la rédemption embrassait les quatre parties du monde, les quatre points cardinaux. Cependant on voit la seconde forme sur des monnaies des empereurs Constance et Constantin, sur des anneaux et des pierres sépulcrales de la plus haute antiquité, tandis que, d’après Lactance, il faudrait admettre que Constantin vit au ciel la croix sous la première forme.

La croix n’était pas très haute, si ce n’est par exception ; les pieds du crucifié touchaient presque la terre. Telle fut la croix de Jésus, puisque les soldats purent, avec une tige d’hysope, porter à sa bouche une éponge trempée dans du vinaigre. Au milieu de la tige verticale, on attachait un morceau de bois projeté en avant, sur lequel, selon sa forme, le condamné était comme assis ou à cheval, afin que la pesanteur du corps n’arrachât pis les mains des clous qui les fixaient. C’est à quoi font allusion les expressions des anciens : acuta cruce sedere, inequitari, etc. On commençait par dresser la croix ; puis le condamné, soulevé ou tiré par des cordes, était attaché, afin qu’il ne fît pas de résistance pendant qu’on clouait les mains et les pieds. Cependant il n’est pas sans exemple qu’on ait cloué d’abord le condamné à la croix étendue par terre, et dressé la croix ensuite ; et beaucoup d’auteurs pensent qu’on suivit ce mode pour N. S. Parfois on se bornait à attacher les pieds avec des cordes. Mais que les pieds et les mains de Jésus aient été réellement cloués, c’est ce qu’indiquent S. Luc (xxiv, 39-40) et S. Jean (xx, 25-27), et ce qu’atteste toute la tradition. Mais on ne sait pas d’une manière certaine si les pieds du Sauveur furent superposés et attachés avec un seul clou, ou s’ils furent placés à côté l’un de l’autre et cloués séparément ; cependant cette dernière opinion est plus probable comme s’accordant mieux avec le mode de crucifiement le plus en usage parmi les anciens.

Pour aggraver la peine, on crucifiait quelquefois la tête en bas, comme on le fit pour S. Pierre ; d’autres fois on faisait dévorer le crucifié par des bêtes féroces, ou bien on allumait du feu sous la croix. Quand on n’abrégeait pas le supplice par ces cruautés, les crucifiés vivaient d’ordinaire toute la nuit de l’exécution, et même tout le jour suivant ; il y a des exemples de crucifiés qui vécurent jusqu’au troisième jour. En effet l’hémorragie des mains et des pieds transpercés par les clous s’arrêtait parfois assez tôt. Alors les suppliciés succombaient plutôt au tourment de la faim, ou, plus souvent encore, à une congestion cérébrale déterminée par les affreuses souffrances qu’occasionnait la suspension des bras largement étendus. A Rome, on laissait les esclaves suspendus au gibet jusqu’à ce que leur corps fût corrompu ou dévoré par les oiseaux de proie. Il paraît qu’il en était de même dans les provinces pour tous les crucifiés. Cependant les Romains faisaient une exception à cet usage, en Judée pour s’accommoder aux coutumes des Juifs, auxquels leur loi ordonnait de descendre lé condamné de la potence avant le coucher du soleil, afin que le maudit de Dieu ne souillât pas la terre que le Seigneur leur avait donnée (Deut., xx, 23). Cette condescendance amena l’usage de rompre les jambes des condamnés, crurifragium, ce qui hâtait la mort et pouvait être considéré comme une compensation de l’abréviation du supplice. On n’appliqua pas le crurifragium à J.-C., parce que les soldats qui en étaient chargés remarquèrent en lui les signes certains de la mort. Les souffrances physiques et morales qu’il avait endurées avant son supplice, et l’action que librement il avait permis aux tortures les plus violentes d’exercer sur tout son être pour séparer son âme de son corps, expliquent comment il avait rendu le dernier soupir quatre ou cinq heures après le crucifiement. Cependant l’un des soldats lui porta un coup de sa lance dans le côté : c’était dans d’autres exécutions, le coup de grâce ordinaire. Il fut appliqué à Jésus pour éteindre la dernière étincelle de vie qui pouvait encore l’animer. La loi romaine livrait le corps des exécutés, sauf ceux des esclaves, à leurs parents, pour qu’ils le pussent ensevelir. C’est pourquoi Joseph d’Arimathie obtint sans peine ce qu’il demandait.

Le supplice de la croix subsista dans l’empire jusqu’à Constantin le Grand qui, par respect pour N. S. J.-C., l’abolit la treizième année de son règue.

DÉMONIAQUES. — L’homme n’est pas la seule créature intelligente et morale qui soit sortie des mains de Dieu. Il existe au-dessus de lui, et il existait avant lui, des créatures d’un ordre plus élevé et d’une nature plus spirituelle, les anges. Mais tandis qu’une partie de ces esprits glorieux, les anges saints ou les anges élus, sont demeurés fidèles à Dieu, et servent avec joie ses desseins de miséricorde sur la race humaine (Hébr. i, 14), dont ils saluèrent la naissance par de saints cantiques (Job. xxxiii, 7), il en est d’autres, les démons ou les esprits malins, “ qui ont péché, qui n’ont pas gardé leur origine, qui ont abandonné leur demeure propre, qui ont été précipités dans l’abîme, où ils sont réservés pour le jugement du grand jour (II Pier. ii, 4 ; Jud. 6) ”. Toutefois, ce jour qui doit fixer irrévocablement leur affreuse condition n’est point encore venu ; et en attendant qu’il vienne, une certaine liberté leur est laissée de sortir de leur prison et de se répandre dans le monde (Ephés, vi, 12), liberté dont ils abusent pour faire à l’homme tout le

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