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Dictionnaire du Nouveau Testament


mal qu’ils peuvent, désireux de l’avoir pour compagnon de leur révolte et de leur misère. A peine était-il créé, qu’ils l’ont fait tomber dans le péché ; et maintenant leur ambition funeste est de le retenir dans ce triste état, ou d’y ramener ceux que la grâce de Dieu en a retirés.

Or l’homme, composé d’un corps et d’une âme, est attaquable à la fois par ces deux parties de son être. C’est à l’âme avant tout et le plus souvent que les démons donnent l’assaut par des tentations de toutes sortes. Mais leur influence pernicieuse peut, en certaines circonstances et avec la permission de Dieu, s’étendre aussi au corps, dont ils s’emparent et prennent en quelque sorte possession. L’homme dont le corps est ainsi livré à l’influence plus ou moins complète des démons s’appelle un démoniaque. Ce nom n’est jamais donné à ceux, sur les organes desquels le démon agit non point par une action physique immédiate, mais seulement d’une manière indirecte, par persuasion et impulsion morale, quelque empire d’ailleurs qu’ils lui donnent sur eux, lors même que, comme les faux prophètes et les antéchrists, ils se feraient ses organes et ses représentants dans le monde.

L’état du démoniaque est un état maladif où l’influence morale des démons et leur influence physique sont combinées d’une manière étrange et difficile à démêler. C’est, le plus souvent, à la suite de certains péchés qu’il a commis, et plus spécialement des péchés de la chair, qu’un ou plusieurs démons ont pris possession du corps de ce malheureux. De là, une surexcitation, un trouble profond du système nerveux, des sens et de leurs organes. De là aussi parfois un développement énorme de force musculaire. Dans quelques-uns, la surdité ou le mutisme sont les seuls phénomènes apparents (Matth. ix, 32 ; xii, 22 ; Marc, ix, 24); mais cette surdité et ce mutisme tiennent à des paralysies nerveuses produites par la présence du démon, non à la destruction des organes de l’ouïe ou de la parole. Le trouble jeté par la présence et l’action du démon dans le système nerveux, dans les sens et leurs organes et, par suite, dans les facultés mixtes comme la sensibilité, la mémoire, l’imagination, a naturellement son contre-coup dans les opérations intellectuelles. L’intelligence n’a plus son jeu normal, régulier. Parfois ses actes sont si désordonnés,si incohérents que le malheureux possédé présente tous les symptômes de l’aliénation mentale. D’autres fois le démon éclaire, remplit son intelligence d’une lumière extraordinaire. C’est ainsi que dans l’Evangile nous voyons plusieurs démoniaques, ou les démons qui sont en eux, reconnaître Jésus pour le Fils de Dieu et lui rendre témoignage. Le démoniaque n’est pas nécessairement un être perverti : il gémit de son état et semble se condamner, et quand il ne peut exercer sur d’autres la fureur qui le consume, on le voit la décharger sur lui-même et se meurtrir misérablement. Aussi souhaite-t-il la guérison et va-t-il, avec une lueur de foi, chercher J.-C. pour être délivré. Mais c’est ici que se découvre la présence d’un hôte etranger dans l’intérieur de l’infortuné. L’homme possédé vient à Jésus pour être guéri, mais ie démon qui le possède ne veut pas lâcher sa proie. Alors, soit que le démon emprunte les organes vocaux de sa victime, soit que le malade perde en quelque sorte la conscience de son existence personnelle et se confonde par moments avec l’esprit impur, c’est le démoniaque qui exprime les pensées du démon. C’est ainsi qu’on voit le même homme, dans le même instant, comme livré à deux forces contraires, chercher Jésus et le repousser, implorer sa compassion par des cris et des gestes suppliants, et lui dire : “Qu’avons nous à faire avec toi?” Toutefois, malgré le trouble que peut apporter dans les opérations de l’âme un pouvoir si étrange sur le corps, le plus souvent la liberté morale n’est pas détruite ; le possédé conserve la force et le pouvoir moral de résister aux assauts et aux suggestions de son ennemi, et, dans la mesure même où lui est laissée la maîtrise de son âme, l’indépendance de sa volonté, il reste devant Dieu responsable de ses mouvements intérieurs, de ses désirs, de ses déterminations. Que si par intervalles le corps dompté par son maître plus puissant échappe à son empire, il n’est plus responsable d’actes extérieurs qu’il n’a pu ni commander ni empêcher. Et si même parfois la perturbation produite dans tout son être est si profonde qu’il perd l’usage même de sa liberté, semblable alors à un homme privé de réflexion et de raison, il devient, aussi longtemps que dure la crise, irresponsable devant Dieu.

Dans les phénomènes du magnétisme animal, et de l’hypnotisme, nous voyons l’hypnotiseur tenir sous sa dépendance absolue le sujet endormi, lui dicter ses propres pensées, etc. La possession est comme un magnétisme satanique, qui s’empare à tel point du corps de l’homme, qu’il en fait son instrument et son organe.

 

On a essayé dans ces derniers temps, de révoquer en doute la réalité des possessions diaboliques. Les Juifs contemporains de J.-C. attribuaient, dit-on, à l’influence des démons de simples cas d’épilepsie ou de crise nerveuse ; les Apôtres partageaient l’erreur commune, et Jésus, accommodant ses actes et son langage à cette superstition populaire, guérissait ces sortes de malades (épileptiques, lunatiques, etc.) en laissant croire qu’il avait chassé de leurs corps un ou plusieurs démons. Cette explication répugne tout à la fois à la véracité du récit évangélique et au caractère

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