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Dictionnaire du Nouveau Testament


buées. C’est elle qui crée le premier homme et le tire du péché, qui sauve les justes du déluge, qui veille sur les patriarches, qui fait passer la mer Rouge aux Hébreux et les guide dans toutes leurs voies. Le rôle que nous avons plus haut attribué à l’être vague et mystérieux appelé l’Ange du Seigneur, c’est maintenant la Sagesse personnelle de Yahweh qui le remplit. Cette Sagesse reçoit quelquefois le nom de Logos (Sap. xvi, 12 ; xviii, 15, al.).

Les docteurs juifs auteurs des targums ou paraphrases chaldaïques de l’Ancien Testament, firent faire un nouveau pas à la doctrine du Logos divin. Dans un très grand nombre de passages où le texte hébreu porte simplement Yahweh, ils mettent Memra’ dayya, c’est-à-dire parole de Yahweh (écrit en abrégé) pour désigner Dieu se manifestant au dehors. Ainsi c’est la parole de Dieu qui protège Noé dans l’arche (Gen. vii, 6), et le fils d’Agar au désert (Gen. xxi, 20) ; la voix de Dieu (Deut. iv, 33) devient dans les targums la voix de la parole de Dieu. Bref, toute manifestation de Dieu à la race humaine, et spécialement au peuple élu, est faite, d’après les targums, par la Parole. Aussi identifient-ils souvent le Memra’ dayya ou parole de Yahweh avec la Schekina, c’est-à-dire avec la manifestation de la gloire divine. Comme les Israélites, depuis les jours de l’exil, avaient complètement rompu avec l’idolâtrie, cette doctrine, qui s’était transmise traditionnellement parmi les plus sages d’entre eux, pouvait et devait acquérir une clarté toujours plus grande, à mesure qu’on s’approchait du temps où le Verbe divin allait se faire homme.

Vers l’époque de la naissance de J.-C., les philosophes d’Alexandrie recueillirent tous ces germes dispersés, plus ou moins obscurs, de l’idée de l’existence personnelle du Verbe divin, et les soumirent à une sorte d’élaboration scientifique. Mais leur effort pour pénétrer le fond de cette doctrine et pour la concilier avec celle de Platon sur l’âme du monde (Λόγος, νοῦς,) n’aboutit qu’à la défigurer. Comme nous le voyons par les écrits de Philon, les Alexandrins concevaient le Verbe comme le principe de la manifestation de Dieu ad extra, comme la première émanation sortie de l’être pur de la divinité, et cela afin d’expliquer la création. Pour eux, le Logos était un intermédiaire entre Dieu et le monde élevé au-dessus de toute créature visible, mais non égal à Dieu, de sorte que, selon les expressions de Philon, ce n’est qu’imparfaitement et par catachrèse qu’on l’appelle Dieu. Ainsi, dans leurs spéculations, les Alexandrins n’ont pas tenu compte de ce point capital, savoir, que le Logos divin est avant tout le principe de la manifestation spontanée de Dieu ad intra. L’homme s’exprime lui-même à lui-même dans sa parole intérieure, c’est-à-dire dans sa pensée, et par la pensée de lui-même il se conçoit lui-même ; ainsi en est-il au sein de la Divinité, avec cette grande différence que ce qui, dans l’homme, se produit comme un simple accident, est substantiel en Dieu. De toute éternité, Dieu a exprimé et exprime tout son être dans cette Parole substantielle et primordiale ; il s’y voit lui-même, ainsi que toutes ses œuvres ; toutes les paroles qu’il a parlées et qu’il parle dans le temps, ne sont qu’un épanouissement de cette unique et éternelle Parole. Or, puisque le Logos divin est le principe de la manifestation intérieure, nécessaire, spontanée de Dieu, il est aussi le principe de la manifestation libre de Dieu ad extra dans la création et la rédemption du monde. Telle est l’idée du Logos divin, comme un être personnel, éternel, égal à Dieu, que Jean développe dans son premier préambule vis-à-vis de la philosophie d’Alexandrie, apportée à Éphèse par l’hérétique Cérinthe ; et il met cette idée dans un rapport étroit avec l’idée du Messie, en décrivant le Messie comme le Verbe fait chair.

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