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Dictionnaire du Nouveau Testament


l’ancienne Tibériade, dont on découvre des ruines considérables un peu plus au midi.

VERBE, ou Parole, en grec Λόγος terme par lequel S. Jean désigne l’élément divin en J.-C., et qui correspond aux expressions Fils de Dieu, Fils unique du Père, plus communément en usage dans l’Evangile.

On connaît le sens théologique de cette désignation. Le Fils de Dieu, selon le langage de S. Paul, est la force et la sagesse de Dieu (I Cor. i, 24), l’image de Dieu invisible (Col. i, 15), la splendeur et le caractère ou l’empreinte de sa substance (Hébr. i, 3), de sorte que celui qui le voit, voit le Père (Jean, xiv, 9). S. Jean se sert pour désigner le Fils de Dieu de l’appellation de Verbe (Parole). De même, en effet, que la parole humaine est le fruit et la manifestation de notre entendement, ainsi le Verbe, ou Fils de Dieu, est le fruit substantiel de l’entendement divin, la manifestation personnelle de Dieu.

Mais d’où vient que S. Jean seul, de tous les écrivains du Nouveau Testament, se sert de cette expression? Comment fut-il amené à l’employer? Quelle est enfin l’origine de la doctrine du Verbe? Le choix de ce terme, λόγος, a pu être indiqué par ce fait qu’il circulait dans l’Asie-Mineure, où, dit-on, les spéculations des Alexandrins étaient répandues. S. Jean saisissant ce terme, le ramène à son vrai sens. Mais les germes de cette notion, comme le terme même, il les trouvait dans l’Ancien Testament et la tradition juive auxquels la philosophie de son temps les avaient empruntés en les pervertissant. D’ailleurs la notion du λόγος se retrouve en entier dans les paroles de Jésus-Christ rapportées par le quatrième Evangile. Le prologue n’est pour ainsi dire qu’un résumé de l’Evangile.

Dès les premières pages de la Bible, nous trouvons de vagues indications d’une pluralité de personnes dans l’essence divine. Sans nous arrêter plus que de raison à certaines locutions que le génie de la langue hébraïque suffit peut-être à expliquer, telles que : Elohim (litt. les Dieux) créa (Gen. i, 1) ; — Faisons l'homme à notre image (Gen. i, 26) ; — Voici qu' Adam est devenu semblable à l'un de nous (Gen. iii, 22); — descendons et confondons leur langage (Gen. xi, 7), nous nous contenterons de rappeler les théophanies si fréquentes dans l’histoire du peuple de Dieu. Elles présentent en effet cette particularité, que Yahweh apparaît le plus souvent aux regards mortels, non en personne, mais dans un être mystérieux que l’Ecriture appelle l’Ange du Seigneur. Cet Ange est certainement distinct de Yahweh, et pourtant il prend son nom incommunicable, il exerce le pouvoir divin ; il reçoit les honneurs dus à l’Etre suprême ; partout il parle et agit en Dieu. Il arrête le bras d’Abraham prêt à immoler son fils : “ Je sais, lui dit-il (Gen. xxii, 12), que tu crains Dieu et que pour moi tu n’as pas épargné ton fils unique ”, se confondant par ces dernières paroles avec le Créateur auquel Abraham offrait ce qu’il avait de plus cher. Dans un songe, il dit à Jacob : “ Je suis le Dieu de Béthel ”. Or le Dieu qui s’était montré à Béthel, n’est autre que Yahweh (Gen. xxxi, 11 : comp. xxviii, 13). Plus tard, au désert de Madian, ce même Ange apparaît à Moïse dans le buisson ardent (Exod. iii, 2, d’après l’hébreu), et le prophète ne voit en lui que Yahweh, n’entend qu’Elohim, et se voile la face, n’osant regarder la Divinité. Mêmes faits et même langage au livre des Juges (vi, 11-22 ; iii, 13-22).

D’autres expressions bibliques très anciennes, non seulement renferment l’indication, obscure encore — il le fallait, à cause du penchant des Hébreux à l’idolâtrie — d’une seconde personne au sein de la Divinité, mais préparent, en quelque sorte, le nom de Verbe qui lui sera donné plus tard. Ainsi Gen., i, 2, l’acte de la création est décrit comme ayant été réalisé par une parole de Dieu : Et dixit Deus. Et cette parole créatrice, les Psaumes vont la personnifier, lui donner des attributs divins : Par la parole de Dieu, les cieux ont été affermis (Ps. xxxii, 6) ; — Il a envoyé sa parole, et il les a guéris (Ps. cvi, 20. Comp. Ps. cxlvi, 15).

Les livres sapientiaux (Prov. viii et ix ; Eccli. i, 1-10 ; xxiv, 1 sv.) nous font assister à un nouveau progrès de la doctrine du Verbe, non pas, il est vrai, sous le nom de parole de Dieu, mais sous celui de Sagesse divine, qui a la même signification. Cette divine Sagesse n’est plus seulement un simple attribut divin ; elle est l’image, de Dieu, elle fait ses éternelles délices, elle se joue constamment devant lui. “ Je suis sortie, dit-elle (Eccli. xxiv, 3, 9), de la bouche du Très-Haut, et comme une nuée je couvris la terre. Avant le temps, dès le commencement, il m’a établie. ” D’après le fils de Sirach, la Sagesse divine embrasse le ciel et la terre, et son empire s’étend à tous les peuples ; mais c’est dans Israël qu’elle a fixé sa demeure, qu’elle a enfoncé ses racines et pris de l’accroissement, qu’elle a porté des fruits et des fleurs ; elle s’est, pour ainsi dire, incarnée dans le livre de l’alliance, la loi de Moïse. Enfin, dans le livre de la Sagesse, tout voile tombe ; elle se montre comme un être personnel, une ypostase proprement dite (Sag. vii, 22 sv. ; viii, 3 sv. ; ix, 9 sv.); c’est “ un souffle de la vertu de Dieu, une pure émanation du Tout-Puissant, le rayonnement de l’éternelle lumière, le principe réel, subsistant par lui-même, de la manifestation de Dieu dans l’univers ; en elle habite un esprit intelligent, saint, qui peut et voit tout ; elle est assise sur le trône même de Dieu ”, etc. Toutes les merveilles que Dieu opère dans le monde lui sont attri-

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