Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/660

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14Que faire, quand Dieu se lèvera ? Au jour de sa visite, que lui répondrai-je ? 15Celui qui m’a fait dans le sein de ma mère ne l’a-t-il pas fait aussi ? Un même Créateur ne nous a-t-il pas formés ?

16Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils désiraient, si j’ai fait languir les yeux de la veuve, 17si j’ai mangé seul mon morceau de pain, sans que l’orphelin en ait eu sa part : — 18dès mon enfance il m’a gardé comme un père ; dès ma naissance il a guidé mes pas.[1]

19Si j’ai vu le malheureux périr sans vêtements, l’indigent manquer de couverture, 20sans que ses reins m’aient béni, sans que la toison de mes agneaux l’ait réchauffé ; 21si j’ai levé la main contre l’orphelin, parce que je me voyais un appui dans les juges,[2]22que mon épaule se détache du tronc, que mon bras soit arraché de l’humérus. 23Car je crains la vengeance de Dieu, et devant sa majesté je ne puis subsister.

24Si j’ai mis dans l’or mon assurance, si j’ai dit à l’or pur : “Tu es mon espoir ;” 25si je me suis réjoui de l’abondance de mes biens, des trésors amassés par mes mains ; 26si, en voyant le soleil jeter ses feux, et la lune s’avancer dans sa splendeur, 27mon cœur s’est laissé séduire en secret, si ma main s’est portée à ma bouche,[3]28c’est là encore un crime que punit le juge ; j’aurais renié le Dieu très-haut.

29Si j’ai été joyeux de la ruine de mon ennemi, si j’ai tressailli d’allégresse quand le malheur l’a frappé : — 30Non, je n’ai pas permis à ma langue de pécher, en demandant sa mort avec imprécation !…

31Si les gens de ma tente ne disaient pas : “Où trouver[4] quelqu’un qui ne soit pas rassasiés de sa table ?” 32si l’étranger passait la nuit en dehors, si je n’ouvrais pas la porte au voyageur !…

33Si j’ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes, et renfermé mes iniquités dans mon sein, 34par peur de la grande assemblée, par crainte du mépris des familles, au point de me taire,[5] et de n’oser franchir le seuil de ma porte !…

35Oh ! Qui me fera trouver quelqu’un qui m’écoute ? Voilà ma signature : que le Tout-Puissant me réponde ! Que mon adversaire écrive aussi sa cédule ![6]

  1. 18. M. à m. Dès mon enfance, il a grandi près de moi comme près d’un père ; dès le sein de ma mère (dès ma naissance), je l’ai guidée (la veuve). D’où, à côté de la traduction adoptée, cette autre : Loin de là ! Dès mon enfance, je l’ai élevé comme un père ; dès ma naissance, je l’ai guidée.
  2. 21. Dans les juges. Litt. à la porte.
  3. 27. Si ma main s’est portée à ma bouche ; litt. a baisé sur ma bouche, est venue chercher un baiser sur ma bouche, pour l’offrir à l’astre brillant ; geste d’adoration (porter la main ad os), et par conséquent d’idolâtrie.
  4. 31. Où trouver etc. Vulg, qui nous donnera de nous rassasier de sa chair, de le déchirer, de satisfaire notre haine contre lui : comp. xix, 22.
  5. 34. Au point de me taire etc. Membre de phrase dont le sens est difficile à préciser et qui est interprété en diverses manières.
  6. 35. Job s’interrompt pour dire qu’il est prêt à signer toutes les protestations qu’il vient de faire. Ma signature, litt. mon thav, nom de la dernière lettre de l’alphabet hébreu, qui avait anciennement la forme d’une croix et servait de signature à la fin d’un document écrit. Sens : Voilà ma défense toute signée. — Cédule d’accusation.