Page:La Sainte Bible, trad Crampon, édition 1923.djvu/904

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4Les réduits où ils se renfermaient ne les préservaient pas de la crainte : des bruits effrayants retentissaient autour d’eux, et des spectres leur apparaissaient avec des visages lugubres.[1] 5Il n’y avait pas de feu capable de donner de la lumière[2], et les flammes brillantes des astres ne pouvaient éclairer cette horrible nuit. 6Parfois seulement, leur apparaissait une masse de feu, allumée d’elle-même, effrayante, et, épouvantés de cette vision dont ils n’apercevaient pas la cause[3], ils jugeaient ces apparitions plus terribles encore. 7L’art dérisoire des magiciens était à bout, et leur prétention à la sagesse honteusement convaincue de fausseté. 8Eux qui se faisaient forts de chasser des âmes malades la terreur et le trouble, ils étaient malades eux-mêmes d’une peur ridicule. 9Car, quoiqu’il n’y eût rien de terrible pour les effrayer, le passage des animaux[4] et le sifflement des serpents les terrifiaient ; 10et ils mouraient de frayeur, se refusant à voir cet air auquel nul ne peut échapper.[5]

11— Car la perversité est craintive, condamnée qu’elle est par son propre témoignage ; pressée par sa conscience, elle s’exagère toujours le mal.[6] 12La crainte, en effet, n’est pas autre chose que l’abandon des secours qu’apporterait la réflexion. 13L’espérance étant moindre au fond du cœur, on s’effraie[7] d’autant plus d’ignorer la cause de ses tourments. —

14Eux, pendant cette nuit d’impuissance, sortie des profondeurs du schéol impuissant, endormis du même sommeil, 15étaient tantôt agités par des spectres terrifiants, tantôt abattus par la défaillance de leur âme ; car une épouvante subite et inattendue s’était répandue sur eux. 16De même tous les autres, quels qu’ils fussent, tombant là sans force, étaient retenus comme enfermés dans une prison sans verrous. 17Le laboureur, le berger, l’ouvrier occupé aux rudes travaux de la campagne, surpris par le fléau, étaient soumis à l’inévitable nécessité ; 18car tous étaient liés par la même chaîne de ténèbres. Le vent qui sifflait, le chant mélodieux des oiseaux dans les rameaux épais, le bruit des eaux précipitant leur cours, 19le fracas des pierres qui roulaient, la course invisible des animaux bondissants, les hurlements des bêtes féroces, l’écho se répercutant dans les cavités des montagnes, tout les faisait pâmer d’effroi.

20Car tandis que tout l’univers était éclairé d’une lumière brillante, et se livrait sans obstacle à ses travaux, 21sur eux seuls s’étendait une nuit pesante, image des ténèbres[8] qui devaient les recevoir ; mais ils étaient encore plus à charge à eux-mêmes que les ténèbres.


  1. 4. Ici et plus loin, l’auteur ajoute diverses circonstances au récit biblique.
  2. 5. Il n’y avait pas etc. M. à m., Et aucune force de feu n’était assez Puissante pour les éclairer.
  3. 6. Dont ils n’apercevaient pas la cause. D’autres, plus simplement : qu’ils n’avaient jamais vue. D’autres : qu’ils ne voyaient plus, qui avait disparu.
  4. 9. Le passage des animaux qui s’enfuyaient effrayés.
  5. 10. Ce verset constitue la fin du vers. 9 de la Vulg. qui, jusqu’à la fin du chap., se trouve en retard d’un vers. sur le grec.
  6. 11-13. Réflexion de l’auteur sur le remords et la crainte.
  7. 13. On s’effraie etc. M. à m. on estime l’ignorance plus grande que la cause produisant le tourment.
  8. 21. Des ténèbres du schéol, où les victime des plaies d’Égypte allaient être précipitées.