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L’IDÉAL ET LA JEUNESSE

siasme ? Quand les jeunes n’auront plus l’ignoble argent pour corrompre à la source même toutes leurs ambitions de bien faire, quand ils seront portés franchement vers leur idéal, sans le dégoût d’avoir à se mépriser et à mépriser leur œuvre, quand l’acclamation de tous les encouragera au dévouement, quelle sera l’entreprise audacieuse qui les fera reculer ? Qu’on leur demande d’aller au pôle arctique ou au pôle antarctique ? Ils iront. D’explorer la mer en bateaux sous-marins et de dresser la carte des fonds ? Ils le feront. De transformer en oasis tous les points d’eau du désert ? Ce ne sera pour eux qu’un jeu. De faire un noviciat de voyages, d’explorations et d’études ? Le travail se confondra avec le plaisir. De passer des années entre l’adolescence et la vie de famille à l’éducation des enfants, à la guérison des malades ? Nous aurons des millions d’instituteurs et d’infirmiers qui remplaceront avec avantage les milliers de soldats occupés maintenant à fourbir leurs armes pour s’entre-tuer.

Tel est l’idéal que nous proposons à la jeunesse. En lui montrant un avenir de solidarité et de dévouement, nous lui jurons que dans cet avenir toute trace de pessimisme aura disparu des esprits. « Donnez-vous ! » Mais « pour se donner, il faut s’appartenir ».

Élisée Reclus