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Zend-Avesta. Puis il trouva l’interprétation des signes hiéroglyphiques et des signes cunéiformes, lesquels dévoilèrent les religions du Nil et de l’Euphrate. Apparurent en Europe les Védas et le Livre de Manou, surgirent le brahmanisme et le bouddhisme. Une science nouvelle naquit, celle des religions comparées.

Cette science nouvelle a déjà rendu des services que l’on ne saurait priser trop haut. Avec d’énormes labeurs, une admirable patience que traversaient des éclairs de génie, une pléiade d’hommes, objet de notre admiration et de notre reconnaissance, ont reculé les bornes de l’histoire ; en démêlant les origines des religions, ils éclairaient les origines des peuples.


Mais, occupés qu’ils étaient par les religions qu’ils découvraient dans les livres et documents, nos savants ne s’embarrassaient guère des croyances entretenues par les tribus des pays barbares, ni par les campagnards ignorants des pays civilisés. Ces croyances, elles passaient naguère, elles passent encore dans la science officielle, pour un ramassis de superstitions grossières, un capharnaüm d’imaginations ridicules, la niaiserie en mal d’absurdité. Grande faveur quand un théologien veut bien admettre qu’emmi ces calembredaines a pu se conserver quelque trace de la révélation qu’on dit avoir été faite à Noé, après le déluge. Bienveillance insigne quand des anthropologues reconnaissent que telle de ces balayures rappelle une tradition plus ou moins historique.

Entre-temps, d’admirables résultats étaient obtenus par des philosophes, des historiens, des jurisprudents, qui, recherchant les origines de la famille, de l’héritage, des droits du père et du mari, s’avisèrent d’instituer une enquête parmi les tribus sauvages et les populations primitives.

L’étude des traditions populaires avait été entreprise avec vigueur et intelligence par l’école allemande et par la scandinave ; l’école anglaise se mit de la partie et plusieurs autres ; enfin, l’école française entra dans le mouvement ; plus qu’une autre elle a du mal à se détacher de la tradition, soi-disant libérale, mais platement rationaliste, qu’avait instaurée la génération de 1830. D’un autre côté, des voyageurs toujours plus nombreux, fouillant tous les coins du globe, rapportent des renseignements de mieux en mieux compris sur les croyances et superstitions lointaines : peu à peu elles se complètent et s’éclairent les uns les autres.


De toutes ces informations un résultat se dégage, une conviction s’impose : toutes les superstitions se ressemblent, celles des sauvages comme celles des civilisés ; toutes font la Superstition, comme toutes les religions font la Religion. Les superstitions sont la matière première qui