Page:La Société nouvelle, année 12, tome 1, 1896.djvu/197

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pensée et de la vie, tue les nations. L’unité vivante, vraiment puissante, celle que nous voulons tous, c’est celle que la liberté crée au sein même des libres et diverses manifestations de la vie, s’exprimant par la lutte : c’est l’équilibration et l’harmonisation de toutes les forces vivantes. — Je comprends qu’un général de division d’une armée régulière adore le silence de mort que la discipline impose à la foule. — Votre général, notre général, le général du peuple, n’a pas besoin de ce silence d’esclaves : habitué à vivre et à commander au milieu des orages, il n’est jamais si grand que dans l’orage. L’orage, c’est le déchaînement de la vie populaire, seuls capable d’emporter tout ce monde d’iniquités établies, — et nous ne pouvons pas assez déchaîner cette passion et cette vie.

Pour en revenir au congrès de la démocratie italienne, je vous avoue que je n’ai jamais espéré ni même désiré qu’il produise une conciliation et une harmonisation impossibles entre toutes les opinions qui sont, ou qui se croient, ou se disent avancées : entre les francs-maçons, Campanella, Stefanoni, Filoppenti et tutti quanti et entre les révolutionnaires socialistes sincères. — Une pareille conciliation, si elle pouvait se réaliser jamais, serait selon moi le plus grand malheur qui puisse frapper l’Italie, car selon les règles éternelles de la logique, + 1 — 1 = 0. — Ce serait l’anéantissement de la cause vivante, populaire, au profit de quelques phrases mortes et de quelques phraseurs doctrinaires et bourgeois. Votre congrès sera, comme tous les congrès, une sorte de tour de Babel ; mais il vous donnera la possibilité de reconnaître les vôtres, c’est-à-dire les socialistes révolutionnaires de toutes les régions de l’Italie, et de former avec eux une minorité sérieuse, bien organisée et seule puissante, parce qu’exprimant les aspirations et les intérêts populaires : seule elle représentera le peuple dans ce congrès.


Maintenant, cher ami, que je vous ai dit avec une pleine sincérité mon idée sur la seule révolution italienne qui me paraisse désirable et possible, je veux répondre à vos autres questions :

1o Je pense, je suis fermement convaincu que le général a tort de soupçonner l’honnêteté politique de ce pauvre Terzaghi. Je crois vous avoir dit déjà mon opinion sur son compte. C’est un cerveau brûlé, un cœur tant soit peu léger et vain. Dans les derniers temps, il s’est démené comme un fou dans son Proletario, sautant d’une fantaisie et d’une proposition à une autre, non sans doute pour le plus grand bien réel de l’Internationale. Mais je suis convaincu qu’il est incapable de trahison… Ce qui est certain, c’est qu’il n’a point la persistance et l’égalité de l’esprit et du cœur nécessaires pour bien diriger la section de Turin. Cette pauvre section, dont les