si illogique, qu’il ne put résister au moindre changement dans les conditions extérieures, et encore moins donner naissance à quelque chose de neuf ; et avant que ce siècle ne commençât, sa dernière lueur s’était éteinte. Mais pendant son existence, et quel que fût le degré de sénilité dans lequel il était tombé, il impliquait un certain intérêt pour ces objets d’un usage quotidien, dont nous avons parlé, et il n’est point douteux qu’il ne donnât satisfaction à certaines aspirations vers le beau. Et quand il fut mort, le peuple resta longtemps sans le connaître, aussi bien que la chose qui l’avait remplacé, en s’insinuant pour ainsi dire dans son cadavre, — ce faux art, qui est l’œuvre des machines, quoique parfois les machines soient appelées des hommes, et le soient aussi en dehors des heures de travail. Quoi qu’il en soit, longtemps avant la mort définitive, il était tombé tellement bas que dans son ensemble il ne rencontrait que le plus profond mépris chez quiconque avait quelque prétention au sentiment de l’art. En un mot, le monde civilisé avait oublié qu’il y eut jamais un art par le peuple et pour le peuple, expression du bonheur dans le travail et dans l’usage d’une chose.
Il me semble cependant que la rapidité même de ce changement doit nous rassurer et nous faire considérer cette solution de continuité dans la chaîne d’or comme un simple accident qui ne peut durer. Songez, en effet, combien de milliers d’années il y a depuis l’époque où l’homme préhistorique grava sur un os, au moyen d’un éclat de silex, l’histoire du mammouth aperçu, ou nous fit voir le renne, qu’il attendait à l’affût, relevant lentement la tête chargée de lourdes cornes ; songez, dis-je, au laps de temps écoulé depuis lors jusqu’au déclin de la Renaissance italienne ! Depuis ce temps jusqu’au moment où l’art populaire expira parmi nous, il y a à peine deux siècles.
Il n’est pas moins étrange que cette mort soit contemporaine d’un renouveau. Au milieu de cette désolation, en effet, un temps nouveau, plein d’espérances, se leva à la lueur de la torche de la Révolution française. Des choses qui avaient langui avec le dépérissement de l’art, se ranimèrent et proclamèrent son prochain réveil. La poésie ressuscita sérieusement et la langue anglaise qui, sous la plume de faiseurs de vers courtisans, avait été réduite à un misérable jargon, dont le sens, supposant qu’il en ait un, ne peut se comprendre sans traduction, trouva un style clair, pur et simple en même temps que cette harmonie musicale de Blake et de Coleridge. Prenez ces noms, les premiers en date parmi les nôtres, comme exemple du changement survenu depuis l’époque de Georges II.
Sous le règne de cette littérature, dans laquelle réapparaît le romantisme, c’est-à-dire l’humanitarisme, un sentiment vers le romantique de la nature extérieure s’épanouit également, et s’est puissamment développé depuis