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du vieux Thomas Mallory, le conteur anglais de l’épopée celtique. William Morris ne ressemble ni par la vision, ni par le métier à Tennyson. Les poèmes de celui-ci sont de style aisé, de couleur limpide, d’une ordonnance harmonieuse où le détail ne nuit jamais à l’ensemble. Ceux de William Morris sont plus anguleux, d’ornementation un peu barbare, aux images éclatant en reliefs de cabochons. Ce n’est pas sans raison que M. Arthur Symons a comparé ses œuvres — surtout les premières — à des tapisseries filées d’or et d’argent.

La pièce suivante, la plus courte du volume, donne une idée assez exacte de cette manière un peu raide et archaïque de William Morris :

PRÈS D’AVALON.

Une nef avec des boucliers au soleil ;
Six vierges autour du mât ;
Une couronne d’or sur chacune,
Une robe verte à la dernière.

Les flottantes bannières vertes
Sont brodées de belles têtes de dames ;
Le portrait de Guinevere
Est empreint sur chaque voile.

Une nef qui vogue au vent ;
Autour du timon six chevaliers ;
Ils ont coiffé leurs heaumes. Presque aveugles,
Ils passent au long des terres sans les voir.

Les bannières écarlates, en loques,
Laisseront bientôt nues les lances.
Les six chevaliers portent tristement,
Dans chaque heaume, une boucle de cheveux jaunes.

Mais William Morris devait tôt se lasser de cette poésie d’archéologie décorative, lui qui allait aboutir à un langage d’une aisance, d’une abondance et d’une limpidité incomparables. Sa grande âme se penchait déjà sur les joies et les douleurs de la vie. Est-il rien qui contraste plus vivement avec la pièce précédente que celle-ci, écrite lorsque Morris était déjà enrôlé dans le socialisme militant ?