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LE MESSAGE DU VENT DE MARS.

Doux maintenant est le printemps. La terre gisante contemple
Avec les yeux d’une amante la face du soleil.
Longtemps dure la clarté du jour, et l’Espérance baise
Les champs verdoyants qui commencent à mûrir.

Maintenant, ô Douce, doux est-il d’errer par le pays
Parmi les oiseaux et les fleurs et les bêtes des champs ;
L’amour se mêle à l’amour, et aucun mal ne pèse
Sur ton cœur ni le mien, où toute douleur est guérie.

De bourgade en bourgade, par les pacages et les sillons,
Ô belle, nous avons erré loin, et longue fut cette journée.
Mais maintenant le soir monte au bout du village
Où, par dessus le mur gris, s’élève la grise église.

Il y a du vent dans le crépuscule ; sur la route blanche devant nous
La paille de l’étable aux bœufs volette çà et là ;
La lune monte, une étoile brille sur nous
Et la girouette du clocher tourne douteusement.

Là-bas la route s’abaisse vers le pont qui traverse
Le ruisseau coulant vers la Tamise et la mer.
Rapproche-toi, ma douce, nous sommes amante et amant ;
Ce soir-ci tu es vouée au bonheur et à moi.

Serons-nous heureux toujours ? Viens plus près et écoute.
Trois champs plus loin, m’a-t-on dit, là-bas,
Quand la jeune lune sera couchée, si le ciel de mars s’assombrit,
Nous pourrons voir de la colline la lueur de la grand’ville.

Écoute le vent dans les branches des ormes ! Il souffle de Londres
Et chante l’or et l’espoir et le tumulte,
La puissance qui n’aide à rien, la sagesse qui sait,
Mais n’enseigne rien du pire ni du meilleur.

Il chante les hommes riches, et bien étrange est leur histoire.
Ils possèdent et désirent et cherchent de près et de loin,
Ils vivent et meurent, et la terre et sa gloire
N’ont été qu’un fardeau qu’à peine ils supportaient.