Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/158

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d’espace et de liberté qu’éprouve toujours, à la vue d’une architecture bien comprise, un homme qui a l’habitude de regarder.

Dans cet agréable endroit, que naturellement je reconnus pour être le hall de la Maison des hôtes, trois jeunes femmes allaient et venaient légèrement. Comme elles étaient les premières de leur sexe que j’eusse vues pendant cette matinée si remplie d’événements, je les regardais avec beaucoup d’attention, et les trouvais au moins aussi belles que les jardins, l’architecture et les hommes mâles. Quant à leur habillement, que naturellement je remarquais, je peux dire qu’elles étaient voilées décemment avec des draperies, et pas attifées de falbalas ; qu’elles étaient habillées comme des femmes, et pas rembourées comme des fauteuils, comme la plupart des femmes de nos jours. Bref, leurs habillements rappelaient à la fois le costume classique et les formes plus simples des vêtements du XIVe siècle, quoiqu’on vit clairement qu’ils n’étaient pas une imitation ni de l’un, ni de l’autre ; les étoffes légères et gaies de couleur seyaient bien à la saison. Quant aux femmes elles-mêmes, c’était vraiment chose agréable que de les voir : elles étaient si bonnes et avaient l’air si heureuses. Leur corps bien fait respirait la santé et la force. Toutes étaient au moins avenantes et une d’elles même très jolie, avec des traits bien réguliers. Elles vinrent à nous immédiatement, joyeuses et sans la moindre affectation de timidité ; toutes les trois me donnèrent la main, comme si j’étais un ami nouvellement arrivé d’un long voyage. Je ne pouvais pas cependant m’empêcher de remarquer qu’elles jetaient un regard de côté sur mes vêtements, car j’avais mes habits de la nuit passée ; du reste, même habillé de mon mieux, je ne suis jamais élégant. Quelques mots de Robert le tisserand et elles s’empressèrent pour nous préparer le nécessaire, et bientôt vinrent nous prendre par la main pour nous conduire vers une table dressée dans le coin le plus agréable du hall, et sur laquelle le déjeuner était servi pour nous ; quand nous fûmes assis, une d’elles s’éloigna précipitamment vers les chambres dont j’ai parlé, et revint au bout de peu de temps avec un grand bouquet de roses, bien différentes, comme grandeur et éclat, de celles qui poussaient habituellement à Hammersmith ; celles-ci paraissaient plutôt avoir grandi dans un vieux jardin de campagne. La jeune fille alla rapidement de là à la laiterie et ensuite revint avec un verre délicatement travaillé, dans lequel elle plaça les fleurs, puis elle les mit au milieu de la table. Une autre femme qui s’était éloignée également arriva alors, tenant dans la main une grande feuille de chou remplie de fraises, dont quelques-unes étaient à peine mûres, et les mettant sur la table elle dit : « Voilà ; j’ai pensé à cela avant de me lever ce matin ; mais cela m’est sorti de la tête en voyant l’étranger que voici