Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/508

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous traversâmes la route et après avoir franchi une courte allée étroite entre les jardins, nous débouchâmes de nouveau sur une large route, sur un des côtés de laquelle s’élevait un grand et long bâtiment ; les pignons ne faisaient pas face à la grand’route, et je voyais tout de suite que c’était un autre groupe de bâtiments publics. En face de ces bâtiments se trouvait un large espace de verdure, sans aucun mur ou clôture. Je regardais entre les arbres et vis au delà de ceux-ci un portique à piliers qui m’était tout à fait familier : pas un ami moins ancien, en effet, que le British Museum.

Cela me coupait un peu la respiration, parmi toutes les choses étranges que j’avais vues ; mais je me tus et laissai Dick parler. Il dit :

« Là-bas est le British Museum, où mon aïeul vit presque toujours ; ainsi je ne dois pas en dire beaucoup. L’édifice à gauche est le Museum Market, et je crois que nous ferions mieux d’y entrer pour quelques instants, car « Grise Mèche » aura besoin de repos et d’avoine ; et je suppose que vous resterez avec mon parent la plus grande partie de la journée ; pour dire la vérité, il peut y avoir là quelqu’un que je dois voir particulièrement, et avec qui j’aurai peut-être une longue conversation. »

Il rougissait et soupirait, mais pas de plaisir, je pensais ; aussi je ne dis rien, et il mena le cheval sous un arceau qui nous conduisit dans une grande cour quadrangulaire pavée ; un gros sycomore était planté dans chaque coin et une fontaine barbotante s’élevait au milieu. Près de la fontaine se trouvaient quelques étals de marché recouverts de riante toile de laine à lignes, près desquels quelques gens, pour la plupart des femmes et des enfants, allaient tranquillement, regardant les étoffes exposées.

Le rez-de-chaussée du bâtiment autour de la cour quadrangulaire était occupé par une large arcade ou cloître, dont je ne pouvais pas assez admirer l’architecture pleine de fantaisie quoique solide. Ici aussi il y avait quelques gens flanant ou assis sur des bancs, occupés à lire.

Dick me dit d’une manière apologique :

« Ici comme ailleurs il y a peu à voir aujourd’hui ; un vendredi vous verriez ce marché tout riant rempli de monde, et dans l’après-midi on fait ordinairement de la musique près de la fontaine. Cependant, je crois que nous aurons une bonne assemblée à notre repas de midi. »

Nous traversâmes la cour et par une arcade nous pénétrâmes dans une grande et belle écurie de l’autre côté, où nous mîmes rapidement le vieux cheval et le rendîmes heureux en lui donnant de la nourriture ; puis nous retournâmes et traversâmes le marché de nouveau ; il me semblait que Dick était un peu pensif.

Je remarquais que les gens ne pouvaient s’empêcher de me regarder en considérant mes vêtements et les leurs ; cela ne m’étonnait pas, mais chaque