Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/661

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vertu du principe qui sert de base à tous mes développements, en vertu du libre vouloir de chaque homme, à des despotes qui supportent impatiemment la domination suprême du chef religieux.

D’un autre côté, quelles qu’aient été les institutions protectrices du dogme religieux, quelle qu’ait été la puissance des monopoles établis par le chef religieux pour empêcher l’examen de son dogme, monopoles de l’éducation, de l’instruction et de l’opinion, des intelligences se sont développées qui ont perdu la foi dans le dogme.

Puis, par les communications plus fréquentes résultant, dans chaque nationalité religieuse, de l’accroissement des populations, les besoins se sont augmentés, provoquant constamment de nouveaux développements d’intelligence pour les satisfaire et de nouveaux besoins résultant de ces développements d’intelligence.

La transmission de la pensée d’orale est devenue écrite, et de l’écriture, si le despotisme prévoyant ne la soustrait aux masses dès sa naissance, s’il ne la monopolise strictement à son profit, résulte bientôt l’imprimerie.

Les pages imprimées, Messieurs, sont les véhicules puissants, les vulgarisateurs de la pensée, et la ensée, en époque de compression sociale de l’examen, c’est, avant tout, l'examen, l’expression du doute sur la base de l’organisation sociale, sur la révélation religieuse, ou, du moins, sur son interprétation par le collège religieux dominateur.

Si la base religieuse est hypothétique, si elle ne peut résister à l’examen, si elle ne s’appuie que sur la foi, quelles que soient les protections dont on l’entoure, elle s’anéantira. Le protestantisme se répand socialement avec la presse. L’isolement primitif des groupes, les différences de langues et de mœurs, les tracasseries des douanes ont empêché jusqu’alors les communications internationales. Les despotes religieux et les despotes par propriété ont, dans chaque groupe, pour éviter tout rapprochement nuisible à leur puissance, exalté les fanatismes de religion et de patrie. Précautions vaines ! Dès que la pensée, le verbe peut se tirer à des milliers d’exemplaires et se transporter facilement, elle passe à travers toutes les barrières. Les parias des nations, ceux à qui est abandonné alors le commerce international, périlleux et méprisé, en sont les principaux porteurs. Et les institutions despotiques, qui n’ont pu l’étouffer, deviennent elles-mêmes protectrices de cette puissance naissante, qui les anéantira dans les horreurs de l’anarchie.

Mon langage n’est pas exagéré, Messieurs.

Si nous considérons notre monde occidental au XI° siècle. toute l’Europe chrétienne formait une seule nationalité, la nationalité chrétienne, dont le siège était à Rome.

Un grand empire et des royaumes étaient ses provinces. Les despotes, par propriété seulement, avaient déjà tenté de se révolter, mais Grégoire VII avait forcé le puissant empereur d’Allemagne à s’humilier à Canossa. Pendant trois siècles, les papes ont pu alors entraîner à la conquête des lieux saints la plupart des despotes par propriété d’Europe. Au XV° siècle, la presse est inventée Le premier livre imprimé c’est la Bible, c’est le code même de la nation chrétienne. Et voyez la puissance de cette invention, que le haut clergé d’alors aura bientôt appelée l’invention du diable ! Un siècle plus tard. Luther en déduit la Réforme, puis vient Calvin en Suisse et en France, puis Knox en Écosse. L’autorité religieuse est détruite, en réalité ; l’examen est proclamé libre.

Le traité de Westphalie, en 1648, est l’expression définitive de la chute, en Occident, de l’ordre despotique réel, basé sur la révélation religieuse, la