Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/662

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plus admirable qu’il nous ait été donné de connaître, celle qui avait reconstitué notre société sur les mines de l’empire romain, sur les mines du paganisme. A partir du traité de Westphalie, le droit divin des monarchies sera nié ; les révolutionnaires consacreront les nouveaux régimes par le droit du nombre, ar la force brutale.

Regardons maintenant vers l’Orient, Messieurs. La continuation de l’ordre despotique en Chine est due principalement à l’invention, chez eux, d’une langue écrite tellement diffici e d’expression, qu’elle reste monopolisée entre les lettrés. Ceux-ci professent exotérique ment la doctrine de Confucius. ésotérique ment un matérialisme dont les effets dissolvants sont partiellement neutralisés par les exigences de l’étiquette, cette hypocrisie séculairement ancrée dans leurs mœurs ; et neutralisés plus encore par le fait que cette minorité de lettrés monopolise à son profit tous les développements de l’intelligence et toutes les richesses. Pour les masses, Pabrutissement le plus complet, un anthropomorphisme grossier, une misère accablante. Que la presse pénètre dans les masses en Chine, que le matérialisme les envahisse avec elle, ou seulement qu’une religion, comme le christianisme, y proclame en même temps que les hommes sont tous frères, tous fils égaux d’un même père, pensez-vous, Messieurs, que ce peuple passerait bien longtemps à Ilire avant ne l’empereur fût dépossédé de sa qualité éminente de Fils du Ciel ? Et lesqlettrés exploitants n’auraient-ils pas à défendre bientôt leurs monopoles de droits politiques et autres contre les réclamations menaçantes des masses ?

En Turquie, Messieurs, la presse est encore à l’état embryonnaire ; la censure la bâillonne. Et ce endant la Turquie a fait récemment un essai de régime parlementaire. Cçet essai a été réprimé ; mais le germe a pénétré.

Dans un avenir peu lointain, la presse répandra sur le globe entier le ferment du libre examen, la ruine de toutes les révélations religieuses, bases de l’antique ordre social. Dans un avenir peu lointain, les masses ignorantes du droit réel. du droit basé sur une sanction autre que la force, réclameront partout des droits politiques, des elparts de souveraineté. Elles demanderont à fabriquer la règle sociale, et les la fabriqueront sans se soucier de savoir s’il existe une règle sociale réelle, conforme à la raison et dont la sanction serait inévitable.

La sanction, elle est en nous-mêmes, diront les masses. Et elles feront des lois pour et des lois contre avec la même sénérité. Et elles sanctionneront, par leur seule force butale, une législation incohérente. Des despotismes violents, odieux, pourront seuls écraser momentanément une anarchie de plus en plus hideuse et toujours renaissante.

Car la presse, la cause toupours agissante des progrès du mal social en époque d ignorance du droit réel, la presse, Messieurs, est intronisée définitivement ans notre humanité. Vouloir anéantir la presse serait vouloir éteindre le soleil. Et vouloir imaginer encore une nouvelle révélation religieuse, comme base d’ordre social : révélation que la presse percerait immédiatement à jour, est absurde.

Le christianisme, la révélation la plus parfaite, dont la puissance a été colossale, s’est, par l’action de la presse, émietté en une foule de sectes, qui n’ont même plus la force de se combattre Elles se dissolvent doucement dans l'indifférence religieuse. L’ignorance, la misère des faibles en retardent de ce côté, il est vrai, la disparition. Mais la religion, ce besoin de protester contre la force brutale, n’a plus d’appui ailleurs que dans l’intérêt des forts, actuellement les forts par la richesse, par le capital. Les forts la