Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/664

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minimum de salaire, des maximum d’heures de travail, des assurances au profit des travailleurs blessés ou devenus vieux et infirmes, etc., en un mot, toutes les solutions dites « sociales » et qui font l’objet de leurs meetings de toutes les semaines.

D’aucuns entrevoient même, par le suffrage universel, un partage des biens, ou tout au moins des dispositions législatives forçant les patrons à distribuer aux ouvriers des parts de bénéfices. Et ce qui tente les agitateurs des masses, c’est l’espoir d’arriver, à la faveur du régime nouveau. À des places lucratives, à des satisfactions quelconques. Plus la période d’attente s’allonge, plus il naît d’agitateurs, et plus l’agitation augmente. Et pouruoi donc, Messieurs, concéderions-nous, au profit des masses, l’extensionun privilège exercé par le petit nombre de censitaires qui marche avec nous, puisque nous sommes nommés par ce petit nombre, au profit d’un plus grand nombre dont nous pressentons les intentions désorganisatrices de nos institutions séculaires ?

Uniquement, Messieurs. parce que nous voyons la marée populaire qui monte. Il faut marcher avec elle !

Du reste, nous allons faire ce ne nos voisins ont déjà fait. C’est la nécessité sociale qui nous y pousse. E e nous ousse irrésistible vers l’anarchie, comme elle y pousse toutes les nations oš l’intelligence se développe parmi les masses.

Les législateurs de l’époque actuelle, Messieurs, n’ont pas l’autorité de l’antique législateur religieux. La raison de la sanction sociale, la sanction religieuse, ultra-vitale, inévitable, leur manque La seule sanction dont nous disposions, notre sanction sociale, c’est la force brutale, à l’usage des partis, des opinions qui se succèdent et se contestent le droit : c’est le gendarme, c’est la prison, c’est le bourreau, et même nous nous sommes privés de ce dernier. Mais, êtes-vous donc si sûrs de vos gardiens de l’ordrel Toutes les révolutions triomphantes n’ont-elles pas trouvé aussi leur police et leur gendarmerie ? Que faisaient donc alors les autres ?

Nous avons donc encore notre armée, direz-vous, qui peut nous tirer d’embarras intérieurs ; mais, Messieurs. votre armée est recmtée entièrement parmi les membres de ces masses en fermentation. J 'admets avec vous qu’elle vous a, jusque maintenant, depuis 1830, admirablement servis pour maintenir l’ordre ; mais il n’en est pas moins vrai qu’elle est composée des fils et des frères de tous ces réclamant, de tous ces mécontents.

Le gouvernement a confiance dans ses remplaçants ; confiance sincère, soit ! mais alors elle me paraît na'íve. Mais je dirai, à la décharge du gou› vernement, que même le service personnel me paraîtrait incapable d’assurer actuellement le maintien permanent de l’ordre. Les lus rands révolutionnaires ne sont pas dans les masses pauvres. Et la dîscipšine militaire n’est qu’un résultat d’éducation, une foi sujette å protestation par l’examen, comme toute autre foi.

Qu’était-elle donc en 1830, alors que tous nos soldats et tous nos officiers, comme tous les autres Belges, étaient sujets du roi des Pays-Bas ?

Quoi qu’il en soit. Messieurs, je considère, avec beaucoup d’entre vous, que, pour le moment, nous n’avons qu’à céder, qu’à augmenter considérablement le droit de suffrage. Dans quelle proportion ? Je n’en sais encore rien, et je n’ai pas, pour le moment, a le savoir, car, constitutionnellement, nous n’avons n’à décider s’il y a lieu de reviser. La nécessité sociale peut se faire sentir différemment d’ici à peu de temps. J 'aurai alors à apprécier l’attitude qu’il me conviendra de prendre.