Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/788

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leillée, regarder la rivière et les embarcations qui montent et descendent et pousser ainsi jusqu’à Shooters’ Hill et les pays hauts du Kentish,et puis faire le tour de la large mer verte du pays d’Essex, et d’admirer la grande ligne voûtée du ciel, et le soleil épandant sa lumière comme une grande nappe paisible sur l’immense étendue. Il y a un endroit nommé Canninges-Town et, plus loin, un nommé Silvertown, où les gaies prairies sont superbes : il est hors de doute que là se trouvaient jadis des ruelles misérables et malsaines, et bien pitoyables. »


Ces noms m’écorchaient les oreilles, mais je ne pouvais pas lui expliquer pourquoi. « Vrai », disais-je, « et vers le sud de la rivière, qu’y a-t-il ? »


Il répondit : « Vous y trouverez une région assez semblable au pays situé près d’Hammersmith. Vers le nord, le pays monte très fort, et il y a là une ville bien bâtie, nommée Hamstead, agréables confins de Londres de ce côté. Elle s’élève sur la pente du côté nord-est de la forêt que vous avez traversée ».


Je souriais, « Tout cela formait jadis Londres, » dis-je ; « maintenant, parlez-moi un peu des autres villes du pays. »


— Quant aux grandes villes obscures qui furent jadis, comme nous savons, les centres industriels, elles ont, comme les briques et le mortier de Londres, disparu ; seulement, elles étaient des centres de manufactures et ne servaient à autre chose qu’à l’agiotage des marchés ; elles ont laissé moins de signes de leur existence que Londres. Naturellement, le grand changement dans l’emploi des forces mécaniques a rendu cela facile et quelque chose de semblable à la démolition de ces centres aurait quand même eu lieu si nous n’avions pas tant changé nos habitudes. Mais étant tels, aucun sacrifice n’aurait semblé d’un prix trop élevé pour nous débarrasser des districts manufacturiers, comme ils étaient nommés. Pour le reste, ce que nous avons besoin de charbon ou de minerai est apporté où on en a besoin et cela en salissant et en faisant le moins de désordre possible, de façon à ennuyer et déranger le moins qu’on peut la vie paisible des gens. On est tenté de croire, d’après ce qu’on a lu de la condition où se trouvaient ces districts au XIXe siècle, que ceux qui les avaient sous leur domination tourmentaient, souillaient et dégradaient les hommes par une malice préméditée : mais ce n’était pas ainsi ; cela venait, comme la mauvaise éducation dont nous parlions tantôt, de leur terrible pauvreté.


Ils étaient obligés de supporter tout, et même de paraître contents ; tandis que maintenant nous pouvons agir raisonnablement avec les choses, et refuser d’être chargés de ce dont nous n’avons pas besoin.


Je confesse que je n’étais pas fâché de couper court par une question à la glorification du temps dans lequel il vivait. Je dis : « Qu’avez-vous fait des plus petites villes ? Je suppose que vous les avez rasées entièrement ? »