Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/791

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i des gens élevés dans les villes, qui a produit cette vie heureuse, paisible, mais ardente, dont vous avez eu un avant-goût. Je dis encore que beaucoup de bévues ont été faites, mais nous avons eu le temps de les réparer. Beaucoup de besogne a été laissée pour les hommes de mon enfance. Les idées indigestes de la première moitié du XXe siècle, quand les hommes étaient encore oppressés par la crainte de la pauvreté et ne regardaient pas assez vers le plaisir présent de la vie ordinaire de tous les jours, ont gâté une grande partie de ce que « l’âge commercial » nous avait laissé en beauté extérieure : et j’admets que ce n’est que lentement que les hommes se sont remis des injustices qu’ils s’étaient infligées eux-mêmes, même devenus libres. Mais si la guérison a été lente, elle n’en arriva pas moins, et plus vous nous connaîtrez, plus vous verrez que nous sommes heureux ; que nous vivons dans le culte du beau sans crainte de devenir efféminés ; que nous avons beaucoup à faire, et après tout sommes joyeux de le faire. Que pouvons-nous demander de plus à la vie ? »


Il s’arrêtait comme s’il cherchait les mots pour exprimer sa pensée. Puis il continua :


« Ceci est l’état de choses actuel. L’Angleterre était jadis un pays en friche, composé de forêts et de déserts, parsemé de quelques villes, qui étaient des forteresses pour l’armée féodale, des marchés pour les gens et des places de réunion pour les hommes d’affaires.


Alors c’était un pays rempli d’ateliers énormes et malsains et de repaires d’agiotage encore plus malsains, entourés par des fermes pauvres mal tenues et pillées par les patrons des ateliers. Maintenant c’est un jardin où rien n’est gaspillé, où rien n’est gâté ; on y trouve les habitations nécessaires, des hangars, des ateliers dispersés ici et là dans le pays, le tout agréable, propre et joli. Car, vraiment, nous serions beaucoup trop honteux de nous-mêmes si nous permettions de faire les objets même sur une grande échelle et que cela dût entraîner ne fût-ce que l’apparence de la désolation ou de la misère. Mais, mon ami, les ménagères dont nous parlions tantôt nous apprendraient à faire mieux. »


— Ce côté-ci de votre transformation sociale est certainement le meilleur. Mais quoique je verrai bientôt ces villages, dites-moi en deux mots comment ils sont, pour me préparer.


« Peut-être, » dit-il, « avez-vous vu une peinture assez exacte de ces villages tels qu’ils étaient avant la fin du XIXe siècle. Ces choses-là existent. »


— J’en ai vu plusieurs.


« Eh bien, » reprit Hammond, « les villages actuels sont semblables aux plus agréables des villages de jadis, avec l’église ou le « mot house » des voisins pour édifice principal. Seulement, notez qu’il n’y a pas de trace de