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la société nouvelle

Il n’y a pas longtemps, à Nijni-Novgorod, existaient à bas prix des bains communs aux deux sexes.

Dans le département de Kalouga, pendant l’hiver, les jeunes filles, le soir, après avoir fini leur travail, se réunissent et attendent les garçons. Ceux-ci, s’approchant brusquement de la fille qu’ils ont choisie, la poussent, glissent et roulent avec elle sur la neige, tandis que les vieux du village les regardent en riant. Néanmoins, plus chastes que les demoiselles bourgeoises ou nobles, les paysannes ne se laissent pas séduire et les jeunes moujiks se montrent plus respectueux envers elles que ne le sont, vis-à-vis des dames, les galants messieurs du beau monde.

L’inceste entre parents et enfants est chose rare ; plus souvent il existe entre beau-père et bru, lorsque le mari est absent pour un certain temps.

De temps en temps, le gouvernement russe envoie des troupes chez les habitants des villages pour y loger. Les plus riches doivent ainsi entretenir deux ou trois soldats, les autres un seul. Outre que ces hôtes sont coûteux, ils démoralisent absolument les localités dans lesquelles ils séjournent.

Dans les villages situés près des fabriques ou des usines, les mœurs sont plus légères. Les jeunes filles, restées sages jusqu’alors, se laissent séduire par les contremaîtres, les employés de bureaux et les patrons, comme il arrive quotidiennement en France et en Angleterre, pays où existe moins qu’en Russie le préjugé de la virginité.

D’après le code russe, l’âge légal pour le mariage est de dix-sept ans pour les filles et dix-huit ans pour les garçons. L’union se consacre seulement à l’église ; le mariage civil, réclamé par beaucoup d’écrivains libéraux en remplacement du mariage religieux, n’existe pas. Les livres où ces auteurs développaient leur thèse ont presque toujours, sur les démarches du synode[1], été poursuivis et saisis comme contraires à la religion. Les fidèles peuvent seulement se marier trois fois dans leur vie. Si, par malheur, l’homme perd successivement ses trois femmes ou la femme ses trois maris, ils doivent finir leurs jours dans le veuvage, en dépit des révoltes des sens et du besoin d’aide qu’ils auraient pour entretenir leur ménage et élever leurs enfants. La loi est inflexible sur ce point.

Plus raisonnable que l’église catholique, l’église orthodoxe russe autorise et même ordonne le mariage de ses popes (que l’on appelle ecclésiastiques blancs, par opposition aux moines, nommés ecclésiastiques noirs, et qui eux n’ont pas le droit de se marier). Seulement, ces prêtres ne peuvent convoler qu’une fois dans leur vie et, s’ils veulent, quittant le clergé séculier pour le régulier, se retirer dans un monastère, ils doivent se séparer de leur

  1. Conseil supérieur des ministres religieux.