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LA TRADITION

Légendes de l’Antiquité juive
d’après les traditions et les sources rabbiniques

Dans un petit livre, devenu très rare aujourd’hui, et qui n’a pas été traduit en français, un juif de Francfort, nommé Abraham Tendlau, en fouillant dans de vieux bouquins écrits en hébreu, en interrogeant la mémoire de vieux Israélites gardiens fidèles de la Tradition, a recueilli de très curieuses légendes juives, quelques-unes tout-à-fait antiques, les autres seulement anciennes.

Rien n’est plus attrayant pour les esprits raffinés, un peu las des complications de la névrose moderne, que ces litératures anonymes, naïves souvent, quelquefois sublimes et qui sont comme l’âme même des peuples.

La rareté des livres nouveaux, cette semaine, nous ayant permis une excursion à travers les œuvres anciennes, oubliées, et même inconnues, nous sommes heureux de pouvoir donner à nos lecteurs la traduction inédite de quelques-unes de ces légendes qui nous ont paru belles et intéressantes.


I

LA PREMIÈRE VIGNE


Le jour où Noé planta la vigne, Satan s’approcha de lui et, tout en ricanant, le regarda faire.

« Que plantes-tu là ! lui dit-il.

— Je plante des vignes, le long de cette montagne.

— À quoi cela te servira-t-il ? Qu’est-ce qu’elles te rapporteront ces vignes ?

— Elles me rapporteront des fruits nombreux ; de doux fruits, dont le jus réjouit le cœur et transporte l’esprit au ciel.

— La montagne est trop vaste, tu ne pourras pas la cultiver seul. Donne-moi une part et je t’aiderai. »

Noé promit la moitié de la récolte. Alors Satan égorgea un agneau et arrosa la vigne avec le sang de l’agneau.

Plus tard il tua un lion et versa le sang du lion au pied des ceps. Quand le raisin fut près de mûrir, il saigna un pourceau et aspergea les vignes avec le sang du pourceau.

C’est pourquoi, après avoir bu la première coupe de vin, l’homme est doux et joyeux comme l’agneau ; après la seconde coupe, il est fort et courageux comme le lion ; mais après la troisième, il est semblable au pourceau.


II

ALEXANDRE LE MACÉDONIEN DEVANT LA PORTE DU JARDIN D’EDEN


Lors de sa marche triomphale à travers le midi, Alexandre le Macédonien fit halte, un jour, auprès d’un petit fleuve. Il s’aperçut que cette eau embaumait divinement.

«   Certes, dit-il, ce fleuve prend source dans le paradis même.