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qu’elle s’est calmée. Il est si doux de prier et de pleurer ensemble sur la tombe d’une amie. C’est tout notre bonheur à nous, pauvres et souffrants que nous sommes ; qu’il ne nous échappe donc pas, et chaque jour, venons ici prier ensemble.

Oui, m’écriai-je, venons ici chaque jour ; ici je serai avec elle, car je t’aime bien, Marguerite ; mais, vois-tu, elle était si bonne, ma mère du tombeau ! Ainsi, chaque jour nous allâmes visiter le cimetière champêtre ; chaque jour il fut témoin de nos plaintes et de nos regrets, et sous l’épais ombrage des saules et des cyprès en deuil, dans la solitaire enceinte du champ des morts, enfant, j’allai rêver à la vie.

Mais, comment redire tous les soins empressés de Marguerite, pour mériter le nom de mère que je lui avais donné ? ce travail, ces privations qu’elle s’imposait, pour suppléer aux faibles moyens d’existence que ma mère m’avait laissés ? Comment rappeler tous ces jours écoulés dans le calme des champs, ces douces émotions de mon cœur, ces illusions de l’esprit, ces rêveries vagues et sans fin, ces voluptueuses étreintes d’une âme sensible qui n’ont point de nom ici et pardessus tout ce repos enchanteur, ce doux sommeil de la pensée, ne s’éveillant encore qu’à la voix d’une amie et sous les plus suaves inspirations de la nature ?

Oh ! comme elles s’écoulaient paisibles et sans nuages mes années d’alors ! Ils passaient comme une brise embaumée, ces temps où, couché sous les marronniers en fleurs, j’écoutais en extase la cloche plaintive qui avait sonné au convoi de ma mère ; où, l’œil fixé sur la petite croix qui couronne la flèche élancée de l’humble chapelle, je disais à Marguerite : Mère, pourquoi dans les cieux une croix et des croix encore sur les gazons du cimetière ? J’étais heureux alors,