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LES ANDROGYNES

Au dehors, une pluie hostile, agressive, épinglait les âmes de mélancolie, noyait les désirs et les volontés, communiquait aux êtres ses mauvaises intentions. Et les mailles liquides se croisaient, s’embrouillaient, traînaient des perles sonores sur les parapluies, s’échappaient en cascades, semblant emprisonner les piétons dans des guérites de verre filé.

Il faisait bon dans la chaleur de la grande pièce, si hospitalière avec ses larges divans et ses tapis aux nuances rares, disposés comme des corbeilles fleuries sous les pieds des visiteurs.

Et Salomé s’animait sur la toile, devenait inquiétante de tentation et de perversité dans sa gaine hiératique, gemmée de sardoines et chrysobéryls, que perçait la pointe rose de ses seins. Les pierreries, sur sa chair nue, semblaient vivre et se mouvoir comme de prestigieux scarabées, des reptiles de flammes. Elle était debout, palpitante, avec sa ceinture basse égrenée de perles, et elle tendait les bras, la tête un peu renversée dans une pose de défi et de luxure.